19 mars 2018

Comme... Ouize me.

Accueillante comme une herse de château cathare,

Honnête comme une marraine sicilienne,

Brave comme une poule sous prozac,

Menacé comme un gorille dans la brume,

Perdu comme un héron blanc en forêt Noire,

À cheval sur les principes comme un jockey sur une barrique,

Aussi utile qu’un clignotant sur un TGV,

Bienveillant comme un équipage de la bac en fin de nuit,

Pauvre comme un milliardaire sans ami,

Agile comme une armée de singes,

Autant en sécurité qu’un poil sous un rasoir trois lames,

Menteur comme un chirurgien dentiste,

Gaillard comme un château fort,

Emmerdant comme une panne d’essence,

Aussi utile qu'un bouchon sur une bouteille vide,

Enrhumé comme un  vieil antillais,

Rare comme un éléphant à deux trompes,

Fragile comme le rouge d’un coquelicot,

Beau comme un Tintoret,

Disparu comme un rouge gorge,

Vaillant comme un pilote de course,

Insignifiant comme la patte d'un mille patte,

Elégant comme un politique en campagne,

Agréable comme une caresse de soi,

Embaumant comme un tigre,

Bienveillant comme une porte qui claque,

Rassurant comme un avis de licenciement,

Attachant comme une glue,

Heureux comme un imbécile,

Méchant comme un camion de teignes,

Fragile comme une porcelaine dans un magasin d’éléphants,


Têtu comme un mistral entêté,

Décoiffé comme un Ventoux venté,

Clair comme de l'eau de Sorgues...











13 mars 2018

La dentelle des noms.

À quelques battements d’ailes de la maison, il y a une contrée quasiment miraculeuse :
On la nomme les Dentelles de Montmirail. Elles forment un grand arc montagneux qui s'étend de l'Ouvèze au Mont Ventoux. Elle doit sans doute son nom au fait qu’elle est assez découpée mais aussi percée ici et là de trouées dues au mistral essentiellement. Et cet endroit semble magique pas seulement parce que c’est un haut lieu de belles  balades. Mais aussi et surtout parce que c’est un régal absolu de la langue, de la richesse sans fin des noms donnés à ce qui y pousse, y grandit, y prospère et y vit. On dirait que tout ce qui a du génie pour nommer s’est donné rendez vous dans ces cinq mille hectares de terres et de montagnes.
Jugez donc :
Dans les dentelles, déjà nommer ce lieu « dentelles » suffirait. Hé bien non, on y a ajouté : de Montmirail… Si il y existe plusieurs sites remarquables : Les Dentelles Sarrasines et le Grand Montmirail, la crête de la Salle, la crête du Cayron et la crête Saint-Amand, le col d’Alsau et le col du Cayron, la grotte d’Ambrosi, le rocher du Midi (belvédère). On peut aussi y dormir dans la Chambre du Turc... On y trouve également, des communes dont les noms font voyage : Crestet, la Roque-Alric, Lafare, Sablet, Seguret, Suzette, Le Barroux…
Mais on y marche dans les ruisseaux qui s’appellent la Salette, le vallat,  le Rioullas, le Brégoux, le Vallat de la Tuillière, le Gourédon, La Limade, Le Lauchun, le Trignon, le Sublon, le Groseau, la Riaille de Suzette…
Cerises sur les gâteaux, on peut y cueillir et là, les nommeurs ont exprimé tout leur talent: les cytises argentées, la catananche ou cupidone bleue, la doradille de Petrarque, le narcisse douteux, la gentiane de Koch, le grémil pourpre bleu,  la brunelle à grandes fleurs, la serratule des teinturiers,  l’aphylante de Montpellier, l’hélianthème des Appenins, le pistachier lentisque, l’herbe à Buffon, la tulipe des forêts à fleurs jaunes, la gagée des près, le genèvrier de Phénicie,  la globulaire, le silène attrape-mouches, le millet printanier, la saxifrage continentale, Le mélampyre des bois, la laîche digitée, la gesse noire, l’ophrys de la Drôme, l’orchis militaire sans parler du thym sauvage, de la sarriette,  pèbre d'ail ou de la magnifique ornithogale à ombelle dite Etoile de Bethléem ou encore Dame de onze heures parce qu'elle s'ouvre au midi et qui est sensée soigner les peines et les chagrins…
Comme si cela n’était pas suffisant, on peut aussi, en levant les yeux le soir y apercevoir le petit Murin, ainsi que son ami le Murin à oreilles échancrées, également nommé Murin émarginé ou Vespetillion à oreilles échancrées, mais pour les voir, ceux là, il faut une bonne vision nocturne. Le jour, y volent les circaètes Jean–le-blanc, les bondrées apivores, l’aigle de Bonelli,  la fauvette pitchou, le merle bleu, les fauvettes passerinette, le tichodrome échelette, le pipit des arbres, l’agrion de Mercure. Il faut baisser le regard très bas pour apercevoir le psammodrome d’Edwards, la couleuvre à échelons... 
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, cette lecture du nom des choses me  baigne dans une joie profonde.
Brice Parain, un ami de Camus a écrit : Mal nommer un objet c'est ajouter au malheur de ce monde. 

J’en connais, vers les Dentelles, qui se sont décarcassés pour apporter des tombereaux de bonheur à ce tout joli monde là.


01 mars 2018

Le portillon... du Chili.

Il était une fois, au fond d'un jardin clos, un portillon de bois qui n'allait pas tarder à être repeint.
___Pa où tu vas comme ça, si tôt, avec ce petit pot de peinture bleue ?
___Je vais redonner des couleurs à la petite barrière, ma jolie Valentine, tu sais le portillon du fond du jardin…
___Ah oui, celui que vous disez... 
___Vous dites!
___ ... avoir ramené du Chili! Tu le peins encore ? Mais, tu l’as déjà bleui cette année celui que je n’ai pas le droit de franchir !
___ Deux fois l’an, Ma douce, deux fois l’an comme depuis… longtemps.
___ Et pourquoi je n’ai pas le droit d’aller au-delà?
___ Ma belle, je te l’ai expliqué cent fois, je vais le faire une cent unième. Au-delà, c’est le monde jolie Valentine. Pour l’instant, le jardin est assez grand, même pour une petite fille, mais tu n’as pas encore assez de forces en toi pour qu’on te laisse t’en aller le voir, le monde. Le monde, vois-tu, il faut être un peu armé, un peu solide, un peu musclée, pour s’y coltiner, s’y frotter, le parcourir. Disons qu’ici, dans le clos de cette maison et de son jardin, en attendant, tu façonnes tes armes, tu apprends leur maniement, tu te solidifie et je te  voudrais la plus forte possible. Mais tu l’auras, un jour, l’autorisation de le franchir, tu le passeras un jour, ce portillon bleu que je vais repeindre comme chaque année. Seulement, le temps n’est pas venu. Il est encore beaucoup trop tôt pour toi.
___ Et je le saurais quand que je pourrais? 
___Quand le moment sera venu, nous le saurons tous. Et toi ET nous, ce jour là, la question ne se posera même plus. Je crois même qu’il s’ouvrira tout seul à ton approche!
___ Mais si jamais je le passais quand même pendant que vous n’êtes pas là avec M’an, qu’est ce que vous feriez?
Après un long silence :
___ D’abord, j’éprouverais, nous éprouverions tous beaucoup d’inquiétude parce que nous aurions très peur qu’il t’arrive quelque chose d’irréparable, que la violence du monde te saute à la figure et te marque à jamais, qu’elle te cause un mal irréparable dont tu pourrais souffrir trop longtemps… Ensuite, nous serions profondément déçus de n’avoir pas été capables de bien te faire comprendre pourquoi il te fallait attendre que le moment soit venu. Si nous n’avions pas réussi à nous faire entendre, nous n’aurions pas été à la hauteur de notre tâche, nous n’aurions pas fait ce que nous avions à faire, la seule chose du reste que nous te devons, vraiment : La protection. Nous n’aurions pas su te protéger.  De toi-même. Oui, oui nous serions très peinés. Ce serait terrible !
___ Mais dis, Pa chéri, le monde n’est pas seulement cette horreur dont tu parles ? Parce que si c’est ça, je reste là, moi ! 
___ Non, non, rassure-toi, douce Valentine, il est d’une beauté magnifique mais il y a tant de dangers, il vaut mieux être prévenu… Il est tout sauf rose.
___ Il semble important pour vous, ce si petit portillon. 
___ Et pour toi aussi, Ma Belle Impatiente. Comme d’autres l’ont fait  avant nous… Et puis aussi, peut-être pour qu’il serve, un beau jour à ceux dont tu finiras bien par avoir la charge, qui sait ? Le jour où tu pourras aller voir de l’autre côté. Et ce jour là, il faut qu’il soit flamboyant !
Après un moment :
___ Mais tu sais que, déjà maintenant, j’ai très envie de l’ouvrir?
___ Je sais Valentine, je me doute bien… Le temps viendra, t'inquiète...
 ___Tu me donnes un pinceau ? Je peux t’aider? Je veux peindre, moi aussi.
___ Tu vois, ça commence déjà...


C’est ainsi que dans le jour débutant, le monde qui passait sur la grand route a pu voir,  près du mur Nord Ouest d’un vaste jardin, un père et sa fille, chacun d’un côté, l’homme à l’extérieur, les deux genoux perdus dans le vert de l’herbe humide et grasse, heureux, bien qu’un peu gênés par l’ombre grandissante des arbres morts, couvrir d’une couche  bleue le bois moulu d’un vieux portillon… 
Soit disant du Chili...




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