30 juillet 2013

L'été qu'est là.


Parceque t'es là:

On va regarder la lune et même en voir deux,
Penser au temps pluvieux des pulls laineux,
Se dire qu’on est bien sans vouloir mieux,
Se sentir riches dans nos canapés de peu.

Vouloir, au vent, d'enivrantes voilures,
S’écarquiller les œils sous des cieux purs…
On va se défaire de nos vieilles pelures,
Libérer nos pieds du cuir des chaussures.

On va se moquer de nos mals dedans,
Finir la nuit... Debouts, même en rampant,
Se dire des conneries d’un air… heu, intelligent,
Se faire des souvenirs en se souvenant. 

On va savoir partir tout en restant assis,
Apaiser nos tangages et calmer nos roulis,
Se parler de là, d'ailleurs, pas de nos soucis
Ne pas se coucher de suite, le jour n'est pas fini.

On va pouvoir se remettre les cœurs à l’endroit,
Se dire souriant: Moi, si toi t’y crois : j’y crois.
N’avoir plus peur de nos sales gueules de bois,
Et ne plus craindre ni la peur, ni le chaud, ni l’effroi.

On va vouloir dès que tu seras enfin là,
S’en dire un peu, pas mal, ne faire que ça,
Sourire aux autres, à soi, freiner le pas,
Et penser surtout, que c’est bon comme ça…

On va savoir, quand tu seras là, de là,
Faire davantage ou bien rien que ça,
S’offrir des cornets de sourires, des tralalas,
S’en mettre plein le coeur pour quand... tu s'en iras...



29 juillet 2013

Cinquante et troisième fin de semaine.

Cette semaine, je suis allé dans la Cour d'Honneur du Palais des papes voir et entendre Partita 2 un spectacle de danse.
Il y avait deux danseurs, une violoniste et la musique de Jean Sébastien Bach. Comme je suis sorti de là partagé, je vous laisse avec deux critiques:

Marie Christine Vernay elle, titre un Bach en duo majeur.
Le scénographe Michel François, complice de la chorégraphe, a juste installé un projecteur qui sert aussi de rideau de scène et éclaire quelques lumières aux fenêtres, comme si le palais des Papes était encore habité. La danse se suffit à elle-même. La gestuelle est apparemment simple, des courses, des marches, mais elle est la scansion même de la langue. Les portés qui montent sur le mur inébranlable de fond de scène, les sauts basques, les pieds qui marchent sur leur tranche : tout est emporté dans le plaisir immense d’être à deux, voire à trois avec la musicienne. Et lorsque l’un est à terre et continue à marcher à l’horizontale alors que l’autre poursuit son chemin à la verticale, pieds dans les pieds, et qu’ensuite tout bascule par un judicieux transfert de poids des corps, on est sous le charme.

Laurence Liban, elle  dans l'express titre: Une rencontre stérile.
Copieusement hué, le spectacle laisse un goût amer. Comme un tel aveuglement est-il possible? Comment deux chorégraphes en sont-ils venus à se laisser enfermer dans la certitude d’être géniaux, au point de ne pas voir que le roi est nu? Ouvrez les yeux et le coeur! Soyez modestes. Entrez dans la vérité de Bach, dans la vérité de sa danse. Lui seul ne vous mentira pas!

Personnellement, d
ans un tel endroit personne n'y ferait rien que ce serait encore beau. Juste le soir qui descend, un avion qui passe au-dessus, des martinets qui chassent et des gens sur les gradins  serait déjà émouvant tellement le lieu est puissant, chargé, dense, majestueux... Et même s'il n'y avait pas de gens... J'ai beaucoup aimé la danseuse mais j'ai un immense faible pour les danseuses... C'est une vieille histoire..



Cette semaine j'ai vu de près le phare de la Couronne s'allumant, le soir, près de Carro sur la côte bleue et ça m'a contenté...



Cette semaine j'ai vu le feu d'artifice tiré sur la commune de Carro et comme à chaque fois j'ai dit: Oh la belle rouge, oh la belle bleue quand les fusées étaient de couleur rouge ou quand elles étaient de couleur bleue. Il m'en faut peu, au fond...


Cette semaine j'avais déjà pensé ça quand j'avais vu les feux d'artifices d'Antibes...
Je me suis dit que finalement je n'étais pas si compliqué... Un phare s'allumant, un feu éclatant suffisent à me procurer un plaisir enfantin.


Cette semaine, je suis tombé sur la chanson de Lisa Leblanc: Aujourd'hui ma vie c'est de la marde... Qu'est-ce-que j'ai aimé ça! Elle est à droite en tête de la play list Deezer...( Pas si compliqué que je dis!) Longtemps que j'en suis certain: les Lisas c'est de la bombe atomic!

Bref, une semaine désormais comme toutes les autres puisque vécue, terminée, racontée et donc partagée...

27 juillet 2013

Au petit matin.


Il m’avait déjà sorti du sommeil vers quatre heures trente, environ. J’avais réussi à me rendormir sans trop de difficultés, mais d’un sommeil plus léger. Pour m’y aider, j’avais allumé la radio. Romain Didier chantait Petit Matin, ça m’avait étonné, on l’entend si rarement... À se demander, les pauvres, quelles saletés ils ont dans les oreilles les gars qui bossent là-dedans... 
Dès les dernières notes j’avais replongé.
C’est vers six heures trente qu’il s’est remis à l’ouvrage. Une quinzaine de fois cinq ou six notes.
Dans une demi conscience, je me suis dit : Tu la voulais la campagne ? Alors de quoi te plains-tu, exactement ? Tu l’as. Il n’empêche que des recettes de coq au vin me sont passées par la tête… Je me suis étiré en repoussant la couette au bout du lit, puis j’ai essayé d’entre voir quel serait le temps de la journée. Nous allions vers du grand beau. Il ne serait pas encore très facile de rester attaché à sa chaise, aujourd’hui. Le mistral qui avait soufflé la veille en se gonflant les joues comme un trompettiste fou était arrivé à ses fins. Le ciel était débarrassé de la chape grise de nuages lourds qui, hier encore, déguisaient l’endroit en Bretagne sud. C’était un ciel de fond d’écran. D’un bleu irréel. Extrêmement bleu. Si tant est que cet adverbe est approprié à une couleur, enfin vous voyez ce que je veux dire ? Il allait faire chaud, aussi, ça se sentait aux odeurs qui sont entrées dans la chambre quand j’ai ouvert la fenêtre. C’était des odeurs mêlées de chèvrefeuille dont la floraison se terminait déjà, de rose et d’herbe humide. Je me suis levé, j’ai mis un peu de temps à le faire à cause de quelques courbatures. Un cadeau de la soirée dernière… J’ai secoué la couette, je me suis entouré les reins d’une serviette de bain bleu marine, je me suis passé les mains sur la tête et le visage comme on défroisse une feuille de papier oublié dans un portefeuille. Mes deux pieds se sont enfilés dans la paire de tongs abandonnée auprès du lit. Ils ont fait ça seuls comme des grands, sans que j’y sois pour rien. Le secret c'est de les éduquer le plus tôt possible. Je suis descendu par l’escalier ... (par quoi d'autre aurai-je pu descendre, je vous le demande?) Je suis arrivé dans la pièce principale. Il y faisait plus frais qu’en haut sous le toit. J'ai maîtrisé un frisson et attrapé un tee-shirt qui traînait sur le dossier du canapé. Je l’ai enfilé. Je m’en fichais pas mal qu’il soit à l’envers et la couture pouvait bien me gêner un peu, il n’était pas question que je recommence la gymnastique dans l’autre sens. Mon épaule droite me faisait encore souffrir surtout dès que j’essayais de la lever un peu. Je suis allé vers la porte fenêtre. Je l’ai ouverte et j’ai poussé les deux battants des volets taupe. J’ai pensé que je les accrocherais plus tard.
Ce matin, ce ne sera pas le vent qui les refermera. Le jour s’est alors installé les deux pieds sur la table basse. Il savait pourtant combien je détestais ça, mais il ne s’est empêché de rien. Je lui ai bien lancé un regard que j’ai voulu le plus noir possible mais il s’en est moqué. "Rigole, rigole, petit jour, on en reparlera ce soir..." j’ai dit dans ma barbe naissante… Avant de passer dans la cuisine, j’ai fait un détour par les toilettes, puis la salle de bains. J’ai mis un bon moment à reconnaître le type dans la glace. Pas de doute, je connaissais ce visage mais ce matin là, je trouvais qu’il avait pris un sacré coup de vieux. Je lui ai passé de l’eau sur le visage et puis je suis revenu à moi. Je suis sorti, vite fait. Après tout s’est, à peu près enchaîné sans que je m'en occupe. C’est comme ça que je me suis retrouvé une tasse de café fumante dans les mains en train de remonter les escaliers. Ces marches étaient quand même plus raides que la moyenne. Surtout en montant. Penser à les mesurer… ou à me laisser pousser les jambes... Je suis entré dans le bureau, j’ai chassé, du revers de la main le jour qui s’était avachi sur les accoudoirs du fauteuil, posé la tasse de café près du clavier. Avant de faire tourner l'ordi, j'ai envoyé la chanson de Romain et la valse de Dvorak est venue s'installer gentiment dans la pièce. Alors, j'ai bu une ou deux gorgées de café et, après la deuxième j’ai senti que j’étais, enfin, en train de me réveiller. Les trois ou quatre notes de la machine ont retenti dans le bureau. J’ai ouvert ma messagerie, viré les quelques spams qui disaient: Viagra, Rollex ou autres conneries. Dans Mes documents, j’ai ouvert Textes en cours, puis "Petit matin" et j’ai commencé à relire ce que j’avais écrit avant de me coucher : « Il m’avait déjà sorti du sommeil vers quatre heures trente, environ. J’avais réussi à me rendormir sans trop de difficultés, mais d’un sommeil plus léger. Pour m’y aider, j’avais allumé la radio… » C’est à cet instant qu’elle est venue derrière moi, perdue dans un seul peignoir blanc bien trop grand pour elle. Elle m’a entouré les épaules de ses bras, elle a posé sa joue contre la mienne, son regard sur l’écran et, après avoir lu, elle a seulement laissé tomber, vaguement moqueuse:

___Ben dis, c'était pas la grande forme, hier! C'’est d’une banalité rare ce que tu as pondu… Tu tiens le diable par la queue ces jours ci… Une panouille ?
Comme je la savais dans le vrai, j’ai eu une forte envie de la gifler, alors, je l’ai attirée vers moi et lui ai déposé dans le cou un baiser d’une tendresse interminable.
J’en ai profité pour lui murmurer à l’oreille, à la fois tendu et souriant :
___ Fais ta maline... Ça va, ça vient… Dis, tu ne t’habilles pas, toi, ce matin ?
Quand elle a quitté la pièce, j'ai lu la citation du jour sur un site rangé dans mes favoris. D'ordinaire, cela n'apportait rien à la journée, mais là, pour une fois tout était raccord:  Ce qui te manque cherche-le dans ce que tu as.
Une belle journée à vivre s'annonçait. Tiendrait-elle, jusqu'au soir, toutes ses promesses ? Ça changerait, pour une fois.
 
Avoir sous les yeux, au réveil, un amour pour vous bousculer et… quelques pages à noircir…






26 juillet 2013

Bon sang!


Bon sang ! 
Qu’est-ce que je les ai aimés ces débuts de soirées où l’on regardait l’heure pour savoir si on pouvait raisonnablement commencer à s’en servir un ou bien s’il fallait attendre encore un peu…
Que je les ai aimés ces repas qu’on prenait au moment du couchant, l’intense lueur orangée qu’il mettait dans ton regard, ce qu’elle donnait à lire, la douceur du moment quand le vent s’apaise, la table joliment mise entre les deux murs de pierres bien à l'abri de la brise thermique, l'odeur de ce qui grille s’invitant à la table, la tendresse qui s’installe entre deux, le noir de la chienne de retour de balade qui s’en vient s’affaisser enfin apaisée, le vol et les derniers cris des martinets encore en chasse pour la ration du soir, les cris des petits dans les nids de la grange qui réclament encore et encore, les premiers passages affamés et chuintant des roussettes, leurs vols énervés, le rouge du vin dans les verres, l’entier du repas sur le tissu repassé de la nappe verte, les bougies tout autour allumées, leurs flammes seulement agitées par des caresses d’air toujours tiède, des grappes de moineaux chahutant dans le massif des lilas, des cascades de rires d’enfants attendant la nuit en jouant dans le jardin voisin, tes cheveux mouillés par la douche prise, ta robe, la petite noire avec les boutons devant, glissée sur une peau cuivrée, pas tout à fait sèche, des gouttes perlant à ton cou, tes pieds nus aux ongles rougis dans le vert de l’herbe, une douce odeur d’huile sèche, une pièce de laine sur tes épaules nues, une musique qui nous vient de l’intérieur par les portes grandes ouvertes de la maison, les senteurs du chèvrefeuille, en vagues déferlantes, un aboiement de chien du loin de la ferme du Moulin de quatre sous, les traces encore vives de la journée vécue, de la nage épuisante dans le sombre de l’eau du lac, l’aller et retour d’une rive à l’autre, la fatigue ressentie dans les avant bras, la marche de trois heures avec la noire qui a gambadé autour de nous, au retour, au couchant, ta main qui s’attarde au passage sur ma nuque, l’air qui d’une caresse, d’une seule, s’électrise gentiment et le temps qui, maintenant, s’étire en langueur douillette… La première gorgée de rouge et l’état flottant dans lequel mettent celles qui suivent, l’enthousiasme à vivre ce qu’elles offrent et le repas qui s’engouffre dans la tiédeur de la nuit, maintenant conquérante…
Bon sang ! Que je les ai aimés ces débuts de soirs là…
Et leurs fins, aussi...



24 juillet 2013

C'est du sérieux...


Cette fois, c’est du sérieux. Pourtant aucune Carla n’y est en rien liée... 
Ça lui avait coûté un bras mais il avait du apprendre à vivre avec l’idée qu’il ne mesurerait jamais un quatre vingt… Il en avait profité pour travailler sur l'idée d'accepter de perdre les cheveux du dessus mais pas ceux des narines, ni ceux des oreilles puis de faire avec celle qu'il était devenu un vieux. Maintenant, il devrait se convaincre qu’il était ventru? Qu’il n’avait rien vu venir surtout pas ce truc là, devant, qui lui avait poussé. Bien sur, en contrepartie il avait arrêté de fumer. La belle affaire. D’accro à la nicotine, il était passé  à ce qui se mange. Plutôt salé que sucré bien qu’une tatin affriolante ne le laissait pas de glace. Oui, au chocolat. Mais bon, il avait pris et cet été là ça suffisait. Surtout qu’il faisait un boulot où le corps à son importance et là il était l’image parfaite du : Faites ce que je dis mais pas ce que je fais.
Il venait de s’offrir trois pantalons en soldes et il les avait pris la taille au-dessus. Stop. Il avait dit stop. A partir de maintenant, je perds.
Il le fallait. Pour lui-même et surtout pour lui-même. Se détester moins?
Il avait profité de l’été pour se faire un programme rigoureux, lui qui l’était si peu, qui pouvait se résumer à : Activités physiques et salades.
Un jour bicyclette, un jour course à pied et tous les jours salade. Les bannis lèvent le doigt : Vin de toutes les couleurs, pain de toutes les céréales, fromages de toutes les régions et même de l’étranger…
Du temps de sa flamboyante jeunesse chevelue, il courait comme un garenne. Il n’aimait pas trop ça mais il le faisait puisque ça ne lui coutait pas. Ce qu’il aimait, lui, c’est avoir couru… Sentir cet état de fatigue musculaire, sentir ses poumons ouverts comme des chakras aux quatre vents, sentir chacune de ses cellules bondées de rouges globules, se savoir transpirant sous l’effort… Mais après, pas pendant. Pendant il s’ennuyait, il lui fallait penser à autre chose. Terminer une nouvelle, attaquer la première phrase d’une note, entamer un poème, ciseler un paragraphe, là oui il courait sans lourdeur. Ah il en avait écrit des conneries en cavalant ! Ah il en avait aligné des phrases en gambadant… Et cet été là plus qu’aucun autre.
Il se levait, il avalait un café noir, un jus d’orange orange et zou en route… Roule, roule petit bolide, va, bouge, cours, ahane, souffle, grimpe, pousse, tire, sue, fatigue toi…
Ce matin là, c’était vélo. Il avait son tour qui partait de chez lui et y revenait en passant par des coins superbes, deux ou trois figuiers qui donnaient des fruits magnifiques (pour le sucre et le régal…), une fontaine qui elle donnait une eau si fraîche qu’on en buvait trois fois plus que nécessaire, soit disant non potable mais pas un cycliste ne passait à proximité sans y remplir un bidon, voire deux. Il avait quitté la plaine et venait d’attaquer la longue montée vers Le Beaucet cinq kilomètres de raide qui faisaient taire les bavards. Les deux derniers traversant dans une forêt de chênes lièges, plutôt isolée et peu fréquentée. Une droite interminable qui montait direct avec à gauche, quand on était en forme on regardait le panorama sur la plaine du Rhône, mais la plupart du temps on gardait les yeux fixés sur la roue de devant.
C’est après la petite bosse, puis le replat qui permet de respirer un peu mieux que ça lui est venu. Une douleur dans le bras gauche. Si forte qu’il en a lâché le guidon. Il est allé valser dans le touffu des chênes. Il a fait quelques pas en s'enfonçant dans le vert. Son engin est resté dans le fond du fossé. Lui s’est tourné et s’est appuyé contre un tronc puis s’est laissé glisser au sol. Il ne voyait plus la route. Putain ce qu’il avait mal. Si mal qu’il a fermé les yeux. Dormir, il voulait juste dormir un peu et il repartirait.
Quel imbécile de partir sans son portable… Pour une fois que cet engin aurait vraiment servi à quelque chose. Tu es où... Il aurait aimé répondre à ça.
Oh non pas maintenant, j’ai deux trois trucs encore à faire, j’en ai deux trois petits à voir grandir un peu, il y a deux trois endroits où j’aimerais aller et deux trois autres où je veux retourner, j’ai deux trois personnes à voir, pas maintenant… Ça pour mincir, je vais mincir… Ça pour être sec, je vais être sec... Oh non...

Cette fois-ci, c’est du sérieux s’est-il dit avant de tomber dans les pommes sous l’effet de la souffrance accrochée à sa poitrine comme une pince à sucre à un morceau…



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