27 août 2012

Cent que j'y pense.


Il n’y a pas un jour sans que j’y pense,
Pas un moment, pas une absence,
Quand je monte la rue, quand j'avance,
Je vois ton corps devant moi qui danse.
Alors, je m’arrête un peu, sur le côté,
Et je le regarde... Je TE regarde bouger.
J’aimerais, bien sur, t’accompagner
Mais ce n’est pas toi que je vois danser.
Je le sais bien, alors, je fais comme si.
C’est assez rare d'être heureux ainsi…
Juste un bonhomme là, sur un bord assis,
Voyant son bel amour bouger devant lui.

Enfin, son bel amour… ce qu’il en reste,
Des miettes de mie, des bouts, des restes,
Des pages froissées, des palimpsestes
De si vieux souvenirs qu’ils en empestent.
Je n’y peux rien, je te vois partout,
De Septembre à la fin des mois doux,
D'une île perdue, aux confins d'un corps fou,
Du froid qui s’amène, aux soirs de redoux.
Pas un jour sans que je repense,
A ta main, fine, dans l’air du soir, qui  tance,
A ton léger sourire, à ta soyeuse élégance...
A nos plaies qui se pansent... dans le silence…

Il n’y a pas un jour sans que j’y pense,
Pas une musique, pas une offense,
Planté, en marche, en cadence,
Au départ, à l’arrivée, en partance.
Assis, à genoux ou bien échoué,
Brillant, nettoyé, vernis, cabossé,
Entier, mort, vif, en quartier, démembré
En vol, en rupture, triomphant, effondré...
Il n’y a pas un jour sans que je repense
A ton odeur, dans le chaud qui danse,
A ta voix dans l'air du soir qui lance…

Si on en restait là ? Dis: Qu’est ce que t’en penses ?



26 août 2012

Un Juillet.


C'est le plein milieu de la nuit. 
L'air est encore chaud, mais il fait toujours chaud par ici en Juillet.
Le cabanon est baigné dans une sorte de pénombre bleutée. Le cabanon est l'endroit où nous passons nos vacances, nous les parisiens. On arrive ici au début de Juillet, on en repartira début Septembre, pour la rentrée.
Une seule pièce en dur, un ancien petit mazet posé sur le sommet de la colline, en haut du chemin des âmes du purgatoire. Il y a, encore, sur un mur, les anneaux pour y attacher les mules quand elles remontaient de la ville apportant les outils ou le ravitaillement du temps d’avant les voitures. La pièce bâtie de pierres avec un vrai toit de vraies tuiles sert de chambre à mes grands parents. Les autres pièces sont construites en châssis comme ceux des serres. Il y en a deux. Une qui est la cuisine et l’autre la salle à manger, salon, véranda, pièce à vivre. Elles sont badigeonnées à la chaux pour lutter contre la brulure du soleil.
C’est cette pièce là qui est, cette nuit particulière, baignée par la lumière bleutée du téléviseur allumé.
Ce soir là, cette nuit là on a eu le droit de rester, on n’est pas allé là-haut sous les pins se coucher dans la tente comme les autres soirs. Ce soir là, malgré le travail épuisant du jour pour ceux qui ne sont pas en vacances, il y a eu les fleurs à couper, les bottes à faire comme les autres jours. Sauf que cette nuit, toute la famille, même Jeannot l'ouvrier n'a pas enfourché sa mobylette après le repas pour s'en aller dormir dans l'appartement de la rue Dugommier, tous sont plantés devant le téléviseur allumé et ce qu’ils sont en train de voir dépasse tout ce qu’on a pu lire, entendre ou imaginer.
Dans la même nuit, mais à quatre cent mille kilomètres de la campagne, ils sont en train de l’accomplir. Les poussières grises sont retombées. On vient d’ouvrir la porte. Il va descendre...
Il est descendu. Il a marché sur le dessus… Il parle.
Lui, il est entré dans nos vies.
Nous l'avons tous vu. Ebahis, sidérés, enthousiastes, incrédules, admiratifs...
On dira c'qu'on voudra, mais sont quand même sacrément fortiches ces américains a dit mon grand père…
Lui, il vient à peine de poser ses pieds... ailleurs.



25 août 2012

De rechange.


Je suis parti en courses, en oubliant ma liste… Heureusement j’ai toujours sur moi une liste de rechange, au cas où:

Une brouette de courages en vrac pour affronter les jours moches.

Une pincée de baisers dans le cou pour le plaisir.

Cent deux grammes de folie douce à diluer dans l'eau claire pour tenter d'oser davantage.

Un grand sac de bienveillance pour le tout venant.

Une belle boîte de pardon pour tenter de panser nos maladresses permanentes.

Une fiole d’huile essentielle d’amour brut pour les moments de désamour passager.

Un chœur de voix ensemble pour l’émotion.

Des doigts croisés contre la peur.

Un lagon à l’eau transparente et chaude,  poissonneuse à foison pour le plaisir…

Un sourire… Dix sourires… Cent sourires.

Une coupe dans une forêt de… Champagne.

De l’encre ineffaçable pour les mots d’amour éternels.

Une butte, une colline, une pente, une côte, une falaise, un replat, un sommet que le regard se perde.

Un bocal de pardons pour s'épargner des ressentiments.

Deux cocotiers pas très éloignés l’un de l’autre… Qu’y tendre un hamac ne soit pas une galère…

Une mémoire toute neuve contre les mauvais souvenirs.

Une assurance tout tout risque contre les morsures de chien méchant.

Un margueritier, pour jouer avec les feuilles.

Des excuses pour les imbéciles.

Une main à poser sur les épaules pour les coups de mous, les jours sans, les coups de grisou, les matins de moins bien…

Des petites chaleurs en boîtes pour les accueils glacés.

Une deuxième jeunesse pour remplacer la première qui aurait pris un sacré coup de vieux.

Un petit quart d’heure pour réfléchir.

Une paire de paumes pour consoler une peine.

Un édredon pour adoucir l’arrivée des mauvaises nouvelles.

Une centaine de minutes pour avoir un peu de temps devant moi après la dernière.

Un bouquet de fleur des chants pour une joie simple.

Un petit sachet de bienveillance en poudre pour en avoir toujours dans ses poches.

Un sac fourre tout pour y balancer l'entier du tout.


20 août 2012

Un bon début.

C'est exactement comme ça que ça a commencé, voilà cinq mois, au tout début du printemps quand les soirées ont commencé à s’allonger, que les plaques de neige sale dans la cour, autour du vieux tilleul, ont laissé place, à leur tour, au vert de l’herbe, qui depuis les premières chutes de Décembre avait disparu. Je rentrais du bois, avant que la nuit tombe avec le froid du soir quand elle est apparue, sortant de dessous le porche dans la pleine lumière tranchante de cette fin d'après midi, elle était belle comme un jour d'Avril, elle s’est avancée vers moi, le bas de son manteau de laine épaisse dansait encore autour de ses jambes que d’une voix mal assurée, elle m’a seulement dit d'un trait  : Je cherche un toit pour la nuit, vous avez ça ? Je préfère vous le dire de suite, comme ça nous serons débarrassés, ne vous faites aucune illusion, je ne suis un cadeau de rien et je viens de tuer les deux hommes de ma vie…
Ah ça oui, je sais maintenant, ce que j'aurais dû dire...







18 août 2012

Ça commence bien...

Quand après l'orage d'avant le lever du jour monte de la terrasse jusqu'à la fenêtre ouverte de l'étage une odeur particulière, entêtante, dense...
Quand au réveil, la première chose vue, après le plafond, est son sourire tout encore entier dans le sommeil...
Quand la deuxième perception est l'odeur d'Eau d'Yssey sur le doux de sa peau douce.
Quand après avoir entendu: Tu as dormi fort cette nuit... Il entend: câlin?
Quand un front, le sien, vient se poser dans son cou...
Quand elle lui dit: approche, un peu...
Quand sans se réveiller elle se découvre à cause de la chaleur qui s'est insinuée avec le jour dans la chambre...
Quand il regarde un moment l'écheveau de ses cheveux de soie arroser l'oreiller de plume.
Quand sa main, ses doigts viennent en planant à la rencontre de son épaule.
Quand ils la caressent en glissant sur elle.
Quand elle murmure: Pour moi, ce sera un thé et un fruit frais, s'il te plait...
Et comment qu'il me plait!
Quand elle s'adresse à lui sans ouvrir les yeux: Alors, le soleil? Déjà debout?
Quand elle se recouvre le visage avec le drap.
Quand elle dit: Non, non, pas la radio, les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent... Mets plutôt un Rollins.
Quand elle joue: N'en profite pas pour me regarder, je suis si moche aujourd'hui...
Quand elle se met sur le ventre et s'enfouit la tête sous l'oreiller comme une autruche sans plume.
Quand elle gronde: Mais tu es encore là?
Quand elle envoie: J'espère que tu mesures l'insolence de ta chance...
Quand elle dit: Appelle-moi quand c'est prêt... Tu veux bien?
Et comment que je veux bien!
Quand il l'entend penser: Puisque c'est ça, je me rendors un petit peu.
Quand il se levait en murmurant: Voilà une journée qui ne commence pas si mal...
Quand, debout sur le palier, lui reviennent en mémoire tous ces jolis matins ensemble.

Quand en descendant au salon et malgré avoir retourné, la veille, toute  la maison, il tombe nez à nez sur le trousseau de clés soit disant perdu...


17 août 2012

Ça commence mal...

Quand le ciel, jusque là d’un bleu aveuglant, subitement, se voile...
Quand la voyante lui dit: Et pourquoi venez vous me voir?
Quand le chauffeur de bus, avec un accent au couteau et en détachant bien les syllabes, lui dit: I don't spik frrrrench. I on li spik feulamand...
Quand ils me crient, agités: Tes papiers, vite fait!
Quand il se dit: Dire que je n'ai même pas pris un parapluie...
Quand il entend: Mince, mais les musées sont fermés le mardi, quel imbécile, je fais!
Quand je dis: Mais où est-ce-que j'ai bien pu mettre ces foutus clés?
Quand elle débute sa phrase par: Sans mentir...
Quand le psy déclare qu'il n'est pas en forme, ce matin.
Quand il attaque par: Sans te commander...
Quand il se dit: Il faut que je m'offre un imper, moi.
Quand il se demande: Un trousseau de clés peut s'y perdre? Ces bouches d'égout c'est lourd à soulever?
Quand elle dit: Vous voulez essayer la taille au dessus?
Quand chez le garagiste, on entend: J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Je commence par laquelle?
Quand il se surprend: Mais je l'ai posé où la dernière fois?
Quand il rentre d'un repas propre, chez des amis et qu'au carrefour, à trois heures du matin, dans le bleu des gyrophares, sa voiture arrêtée, intimidée par les mitraillettes brandies et qu'il entend: Gendarmerie Nationale...
Quand il se dit: Bien sûr, elles sont moches mais j'aurais dû mettre mes bottes...
Quand il se dit: Non mais, cette fille, tu as vu les pieds qu'elle a?
Quand elle dit langoureusement: Parle moi...
Quand il entend: Mais t'étais où hier à dix sept heures?
Quand le boucher lui envoie: Et il veut quoi, ce soir? Il veut de la rouge ou de la blanche?
Quand l'autre embraye de suite par: C'est comme moi...
Quand il se dit: Dire que je sors à peine d'une bronchite...
Quand il dit: Allez, c'est la mienne! On remet ça, tu paieras les prochaines...
Quand il démarre par: La loi républicaine doit être la même pour tous...
Quand il devine qu'il fallait et qu'il ne l'a pas fait: Vous avez réservé?
Quand il en arrive à se dire: Ca y est elle se met à déteindre cette chemise, elle est foutue, c'est malin!
Quand elle demande en passant: Et toi, tu as fait quoi, hier soir?
Quand il commence par: Je m'excuse de vous le dire mais...
Quand il entend: Je ne sais pas toi, mais moi...
Quand l'oncologue cherche son briquet...
Quand il constate: Merde, plus un demi poil de sec, trempé jusques aux os...


15 août 2012

Etoiles à matelas.

Il aimait la mi Aout, et pas seulement à cause des chats...
Oui, hé bien on peut se permettre, après tout...
Ces quelques jours, autour du quinze, lui donnaient l'occasion de penser un peu plus fort à sa Marie. Il aimait ce moment bascule. Cet équinoxe où les marées grandissent, où le temps varie, où l'humeur change. Cette période entre deux où jusque la lumière se transforme. Les matins, à cause de la fraîcheur revenue, elle redevient tranchante comme un couteau électrique. Le jour elle est toujours ouateuse, voilée, pesante de chaleur. C'est  encore l'été, presque déjà la rentrée, encore les vacances, plus tout à fait elles. Quelques jours en équilibre entre deux périodes comme un ciel  de nuages qui ne saurait pas s'il va pleuvoir, comme un enfant triste qui hésiterait à pleurer.
Il aimait surtout les nuits de ce temps là à cause des étoiles filantes. Cette période de quelques heures où le ciel tombait en pluie sur nos têtes. L'incroyable spectacle de ces trainées lumineuses fugitives qui fendaient le noir en l'illuminant.
Le soir venu, après avoir maudit comme ils le méritent les deux lampadaires de la rue qui le privaient d'une grande partie de la Voie Lactée, il s'installait dans le jardin peu après le débarquement des trois chauves souris qui venaient y chasser après avoir glandé la tête à l'envers toute la sainte journée. Le jour n'étant pas encore tout à fait éteint, il se régalait de leurs vols énervés et du bruit que faisaient leurs ailes en s'agitant. Un petit couinement audible à condition de bien tendre l'oreille.
Il avait trouvé pour ça le truc idéal: Héspéride, une chaise longue deux places de chez Toilinux sur laquelle il posait un matelas fin acheté en soldes chez Ikéa. En cas, très rare de fraîcheur nocturne, il se glissait sous une couette d'été qui le protégeait du froid. Il pouvait lui arriver de s'y endormir jusqu'au petit jour tonitruant.  Allongé là-dessus, paré dans cet équipage, le roi n'était pas son demi-frère.
Une bouteille qui pouvait être d'eau minérale, ou autre, à portée de main et, ces deux ou trois nuits là, le show ne tardait pas à débuter. Un vrai feu d'artifice mais il fallait être attentif, ça  descendait de partout sans prévenir. A cause des lampadaires, il perdait un bon quart de la voute. Il allait écrire au maire pour lui demander de bien vouloir les éteindre vers la mi-nuit que l'entier du ciel soit, à nouveau, accessible aux regards. Ou s'acheter une petite carabine à plombs...
Comme les flèches de feu passaient à toutes vitesses, certaines traces duraient parfois des secondes entières, certaines autres n'étaient que des points lumineux vite éteints. Certaines se succédaient à la file et toutes étaient des merveilles. Une douche de lumières.
Ce soir là, il s'était muni d'une bouteille de vodka à l'herbe de bison.
A spectacle de feu, boisson d'incendie s'était-il dit. Il l'avait sortie du congélateur ce qui lui donnait une consistance presque sirupeuse sans altérer la puissance de feu et, entre deux lances il s'en versait une gentille rasade dans  un petit verre en cristal. Il faut respecter le produit, disait-il.
Autant dire qu'après une demi heure, il s'est sentit tout à fait parfaitement bien.
C'est là que c'est arrivé. Il venait de reposer la bouteille dans l'herbe, il levait la tête pour faire descendre, une filante a démarré sa course juste à l'aplomb de sa couche, pile au dessus de lui sauf qu'elle ne s'est pas éteinte et une vingtaine de secondes après, c'est un point rougi incandescent gros comme un bouchon de liège qui, dans un tchoumpf assourdi est tombé dans la pelouse incrédule, à deux mètres de lui. Il n'a pas eu le temps d'esquisser le moindre geste de défense. Il n'en revenait pas. Des milliards et des milliards de kilomètres pour arriver là à un bras. Il aurait pu la prendre en pleine poire. Il a reçu ça pour un signe. Un signe du Ciel.
Pas de doute possible, On lui envoyait un briquet céleste! C'eût été lui faire injure, au Ciel que de l'ignorer, de ne pas s'en servir, de le laisser là, rougir dans l'herbe inutile. Il s'est levé, il a filé, lui aussi, mais lui n'était pas une lumière, vers la maison, il est monté en quatrième dans son bureau a attrapé le paquet de cigarettes qui y trainait depuis quatre ans cinq mois, six jours, douze heures et vingt deux minutes. Il en a sorti la dernière survivante, celle qu'il n'avait pas allumée, celle qu'il gardait pour le dernier souffle, il se l'est collée au coin de la bouche comme il aimait à le faire au temps où il n'avait pas peur du cancer, il est redescendu à fond dans le jardin...
Plus rien de visible, le point rouge s'était éteint.
Il ne restait dans la pelouse qu'un vague petit trou et un cercle d'herbes brûlées. Après avoir écrabouillé la cigarette entre ses doigts, il a jeté ce qu'il en restait par dessus la haie. 
Quels que soient les efforts du Ciel, ce n'est pas encore ce soir qu'il se remettrait à fumer, il a pensé.



Image Rémi Cottard.

13 août 2012

Du pain béni.

NL. Un peu comme un Non Lieu.
Il n'y a plus rien à tenter, je n'arrive pas bien à m'y faire et puis c'est tout.
Quels que soient les efforts qu'il fait, ce pays n'est pas un pays normal. Alors, désormais qu'on ne me parle plus de la Hollande et de ses autochtones. Pourtant, j'étais ravi d'y aller comme à chaque fois que je vais quelque part, une fois que l'idée de sortir de chez moi est acceptée, le plus délicat est passé, le plus dur est accompli, je suis prêt au voyage. Et pourtant, je n'ai pas d'affinités particulières avec les zollandais en général, enfin avec la plupart de ceux que j'ai pu croiser. Certains sont même aussi inhospitaliers que des carpentrassiens en période électorale. C'est dire... Je me souviens de ce grand-père au marché qui m'avait fait la morale parce que je ne comprenais pas ce que la poissonnière voulait me dire. Quand je vais à l'étranger j'emmène un dictionnaire, il m'avait envoyé dans les dents! J'avais répondu en anglais que dans mon cas un dico n'aurait servi à rien car comme tous les français, je ne sais pas lire... On en était resté là, de notre relation amicale naissante.
 À chaque fois que  j'y allais, je bénissais quand même le Ciel de ne pas m'y avoir fait naître. Là-haut, je n'aurais, le temps venu, jamais pu vivre aucune histoire d'amour puisque j'arrivais au nombril de la plupart des filles. Cela écrit, je ne les connaissais pas toutes, ni tous et je ne voudrais pas lancer l'opprobre sur l'ensemble à cause de quelques brebis galeuses. Ce serait tentant mais injuste. Quoiqu'il en soit, je ne les aime pas trop quand ils sont chez nous chez eux, quand ils circulent sur nos autoroutes, avec leurs encombrantes et indoublables caravanes bondées. Pas plus dans nos bars ou aux terrasses de nos restaurants, qu'ils y parlent forts sans doute une habitude prise à cause du vent constant qui les oblige à hurler pour se faire entendre. Pas plus dans nos magasins où, ils semblent si pingres qu'harpagon à côté passerait pour un Prince généreux.  Pas non plus dans leurs canoés, dans toutes nos mares, lacs, torrents, rivières... Toute cette viande blanche rougie, solidement musclée, plongée dans nos eaux limpides... Et puis, cette blondeur indécente voire aryenne... Merci bien! Qu'un sang impur nettoie tous nos sillons. Leur pire trait de caractère serait, me semble-t-il, d'être absolument dépourvus d'idées noires. Ils sont heureux de vivre presque tout le temps, et le font savoir! La pluie les fait sourire et dès qu'un rayon de soleil darde, ils rient, fort, se dépoilent pas mal et s'offrent à lui! Mince, on a quand même bien le droit d'être un peu triste s'il fait grand soleil! On peut, si on le désire, faire un peu la tête! On devrait pouvoir juste être sombre si l'envie nous en vient, on n'est pas obligé de tout le temps se taper dans le dos en hurlant et en descendant une bière, non?
Ah et puis, je n'aimais pas leur manière de rouler les "r" comme des pelles, ni les "achedoublift" qu'ils collaient à toutes les sauces... Fussent elles hollandaises.
Donc, j'y allais. Cette fois là, ce fut le pompon. J'avais à peine posé le pied sur leur sol tout plat depuis un grand quart d'heure, qu'un indélicat m'avait barbé mon larfeuille à la railway station du coin où j'avais atterri. (Non, je ne sais pas dire gare en flamand). Le disparu était un vieux morlingue (j'aime ce mot là) en peau de vache auquel je tenais beaucoup par fidélité, que j'avais déjà égaré deux fois dont une dans les Halles de Paris pour ceux qui connaissent et donc retrouvé deux. Ça peut donner une idée de la mesure de l'exploit et de l'attachement qui me colle à lui... Je tenais surtout à ce qu'il y avait à l'intérieur et pas seulement aux euros en billets. Deux cartes de crédit, les papiers, des photos de mes deux amours, enfants dont j'ai perdu les négatifs, un carnet de ticket du cinéma Utopia d'Avignon, la recette des oeufs brouillés à la truffe des cartes de restaurants et quelques autres trucs inutiles mais indispensables.
Le type a plongé la main dans mon sac et le tout a changé de propriétaire en moins de temps qu'il n'en faut pour dire portefeuille. Je sais, il ne faut pas généraliser mais sur le coup, j'ai, je le confesse volontiers, produit un raccourci  agressif, vengeur et insultant en trois syllabes...
Alors voilà, je me retrouvais dans un train entre deux villes aux noms imprononçables, sans papiers, sans argent, sans souvenirs et dans une colère noire. Et la Hollande entière qui s'en foutait. Je les haïssais. TOUS. Les polders avec.
Arrivé, j'ai fait ce qu'il y avait à faire et deux jours après on m'annonçait qu'IL était retrouvé. Bien sûr, sans l'argent... Dites ce ne sont que des êtres humains eux aussi! Les cartes bancaires y étaient, un peu comme Morano, j'avais fait opposition pour rien. A tel point que j'en suis arrivé à me demander si je ne l'avais pas fait tomber de mon sac, le lazingue. Et puis, je me suis un peu fait confiance. On me l'avait barboté et puis c'est tout.
J'ai donc passé les restes du séjour plus décontracté et j'en ai bien profité. De tout. De lui. D'elle et du beau temps qu'il a fait.
Puis, est, trop vite venu le temps du retour. 
Elle m'a déposé trois heures avant l'heure à l'aéroport. On s'était mis d'accord pour éviter de refaire le coup de la dernière fois où on était arrivé en retard pour le vol. Tellement en retard que je n'avais pu repartir qu'en allant en train à la capitale. Je voulais, cette fois, décoller d'Eindhoven et ne pas être obligé de courir jusqu'à Amsterdam pour reprendre un billet d'avion surtout que cette fois, ma carte bancaire était invalide... Il fallait jouer serré.
Puis, l'avion a été délayé, un peu, beaucoup. On a embarqué vers vingt et une heure quinze au lieu des dix huit heures cinquante prévues. On est resté une bonne heure dans la carlingue surchauffée. Ils essayaient visiblement de réparer un truc dans le circuit informatique. Réparez bien, bien, j'ai pensé.
Et puis, ils ont renoncé. Ils nous ont commandé un joli bus pour faire les cent quarante kilomètres entre les deux avions, celui qui était cassé et le nouveau.
On a traversé l'aéroport vide en plein milieu de la nuit notre valise derrière nous, dans le sillage de nos fatigues. On tanguait tous comme des Titanics en fin de vie. J'ai vu, de mes yeux vu, une immense jolie blonde grimpée sur escarpins télescopiques surveiller en se retournant sans arrêt, la valisette en peau de zèbre qu'elle trainait à bout de bras pour vérifier qu'elle suive bien... On est monté dans l'avion pétant la forme (l'avion pétant, pas nous) et une heure après on voyait sur la gauche de l'appareil un orangé lever de lune à pleurer de beauté. Ils nous ont offert un vieux sandwich qui aurait dû être en réparation lui aussi et une bouteille d'un liquide amer et sombre qu'ils nommaient red wine et, au tout petit matin naissant dans la baie des Anges, nous avons atterri.
C'est quand j'ai voulu appeler pour dire que j'étais enfin arrivé que je me suis aperçu que les batteries de mon portable étaient aussi vides que le regard de qui vous n'aimez pas... Le lever du soleil, lui était pas mal.
La chance n'a pas encore tout à fait tourné, mais ça tient à un rien, je me suis dis... Si on s'entête dans cette voie, que j'aurais tendance à sentir sans issue, ma lune de miel avec la Hollande va, et là, je l'écris comme je le pense (un copéisme), définitivement prendre fin...


Publications les plus consultées