29 septembre 2011

Un siège vide.

Je ne l’ai pas remarquée de suite. 
C'est-à-dire qu’en premier, ce sont ses jambes qui m’ont, si je peux dire, sautées aux yeux. Elles étaient longues, fines, musclées et cuivrées. Et ses genoux intelligents. Les deux. N’essayez pas de me faire dire comment je peux savoir une chose pareille, je ne le dirai pas, mais je vous demande solennellement de me croire sur parole. Il faisait tellement chaud dans ce minuscule théâtre que la plupart des filles présentes faisaient prendre l’air à leurs cuisses et s’éventaient le visage avec le programme dans des gestes d’une élégance rare. Elle, elle faisait comme les autres. Et toutes ces mains agitées créaient un courant d’air magique qui, très vite après avoir un peu rafraîchi, échauffait un tantinet les sens.
Elle était entrée juste après le début du spectacle, à cet instant où le noir se fait et s’était assise à côté de moi. J’en avais été chagriné, un temps. A minuscule théâtre, place riquiqui. J’avais pensé, ronchon : Tant mieux, personne à côté, si je m’ennuie, je pourrais au moins me dégourdir au moins les jambes. Là, par elle, j’étais scotché. Enfin scotché… Tout est relatif ! Disons que j’étais bien figé!
En s’asseyant son genou gauche avait touché le mien. Elle m’avait, alors, pour s’excuser, décoché un sourire à faire trembler une île. J’avais, à partir de cet instant précis, rêvé devenir une limande sole… à cause des yeux sur le côté.
Puis, la pièce avait commencé. Un truc assez triste qui parlait de ce que tout le monde connaît plus ou moins, de rupture, de comment s’aimer encore quand on ne s’aime plus. C’était bien écrit, bien interprété, mais comment dire, je n’étais pas dans l’humeur. Ce genou, cette cuisse, maintenant, qui s’appuyait contre la mienne... Son geste pour rassembler ses cheveux et aérer un peu sa nuque, une bretelle fine de sa robe blanche en lin qui n’en faisait qu’à sa tête... la longueur de ses doigts agitant l’éventail improvisé... la joliesse de ses chaussures à talons, la finesse de ses attaches, la couleur de sa peau, son rire franc aux répliques cinglantes, sa présence, son incroyable présence, l'aimantante présence de... son épaule qui s’appuyait de temps en temps contre la mienne et tout juste après, son sourire irradiant se tournant vers moi… et je n'avais encore rien vu ses yeux... le vert leur allait bien.
Vers la fin de la représentation, dont finalement je n'ai pas suivi grand chose, je l’avais sentie plonger dans l’immense sac à main qu’elle avait posé à ses pieds, je l’avais devinée en sortir un stylo et je l’avais vue griffonner quelque chose sur le programme. Et puis, nous avions applaudi. Ils avaient salué, ils avaient présenté l’auteur, ils nous avaient dit des tas de gentilles choses, ils s’étaient félicités de notre présence et nous avaient fait savoir combien ils étaient ravis de l’accueil du spectacle et de quel miraculeux talent nous avions fait preuve dans cette fournaise. Et puis, la petite cinquantaine de personnes s’était levée et avait commencé à déguerpir poussée par une envie de dehors et d’un peu de frais sur un bout de trottoir.
Elle avait recouvert ses jambes de la blancheur de sa robe, s’était levée avant moi et avait déposé son programme sur son siège. En me levant, j’avais vu le bout de papier. J’avais pu voir un peu de son dos, aussi. Et de ses épaules qui étaient, à cet instant, aussi attirantes qu’un bain prolongé dans une rivière galopante. Assez larges, musclées, noueuses, sèches... Dieux du Ciel, ce port de tête, cette nuque longue, ce corps qui bouge, là, de cette façon là, cette fille était une danseuse, je m'en étais douté assez vite, mais je n'osais y croire. C'en était une... Loué soit ton nom, Destin... Une danseuse...
J'avais pris le papier "oublié", pensant lui rendre dans le hall du théâtre. A la lumière, j’ai vu ce qu’elle avait écrit… Les dix chiffres d'un numéro de portable et juste après : Appelez-moi, s'il vous plait, à partir de maintenant, j’attends... Comme un ordre indiscutable. Elle avait écrit : s'il vous plaît... Mon coeur a manqué de flancher. Je l'ai encouragé: Ce serait trop bête, pas maintenant, battez, mon coeur battez, fanfaronnez, tambourinez gaiement dans ma poitrine, Monsieur Mon Coeur, encore, un peu, ne me laissez pas tomber, pas là, pas maintenant, allez mon Cher Vieux Coeur glacé, Hardi mon triste Coeur Vertueux revenu de tout, que vous importe quelques milliers de douboum douboum supplémentaires, frappez, cognez, emballez vous Cher cœur endurci...
La soirée était bien avancée...
Si je voulais avoir, au moins une chance que quelque chose de ce désordre m’arrive, il ne me fallait plus trop tarder, maintenant, j'allais devoir me doucher, m'habiller, m'asperger d'eau de toilette, prendre la route de la ville, me garer, trouver un spectacle qui parlerait de déchirure, d'amour quand il n'y a plus d'amour, acheter une place et espérer qu’il n’y ait personne à celle d’à côté…
Vu l’heure tardive, ce n’était pas gagné… Mais j’étais joueur...


27 septembre 2011

Un air de rien.

L’air de rien
Ses seins sont deux
Doux et sereins
Ces seins savent tout
Et sur les scènes
Et sur les Rhins.
Où un mari marin
Surtout lorrain
Mais ils sont d’où
Les petits malins
Un rien parrains
Comme des seins doux
De terre ou d’airain
Ils sont sans doute
Liens tous terrains:
De juin au redoux
En été au cœur d’aout
D’une arène à Cordoue
En haut d’une dune
Accourus de Kourou
De Guyane sans courroux
Deux pas durs de Padoue. 

Ils font le couffin patin
Assis sur un pont,
Un vrai pont à rien
Pas même une Loire
Qui s'endort comme un,
D’un rêve commun.
Un sein éperdu
Dans un jeu de paume
Ce n’est pas rien!
C’est un lingot d'or
Cousu main
Par les doigts d'or
Des petites mains.
Il peut être tien…
Si tu le veux bien.
Alors, tout ou rien
Docile comme chien,
Le reste fait fête
Je pose ma tête,
Ici, sur tes reins
Où il n’y a que là
Sur la terre entière
Que je sois si bien...




Merci à Lautreje du dimanche 25 Septembre...

26 septembre 2011

Un bale byndrome.

Je bavais sien que je n’aurais jamais dû remettre les pieds dans ce quartier. 
Et pourtant c’est là que j’ai désarqué un seau matin. J’y avais hasité, enfant, et j’en avais gardé des bouvenirs épouvantasles. Tant et bi bien que nous avions dû déménager pour  vivre ailleurs mais on avait quand même mis du temps à pouvoir comprendre ce qui m’arrivait.
Ah, j’en avais vibité des casinets de médecins, des CHU, j’en avais conbulté des bpécialibtes, pbychologues, pbychiatres, orthophonibtes… Perbonne n’a jamais bu pourquoi j’étais atteind de ce bymptôme sizarre. Et le beul dans la fratrie!  Il en a fallu du temps pour envibager vraiment  ce qui be pabbais et pour quelles raibons  j’inverbais ces deux foutues lettres, pas beulement à l’écrit… Ils ont tous été séats devant cette infirmité qui m’était venue au tout désut de mon apprentibbage de la parole. Et on ne b’en était pas aperçu de buite puibque pour Papa, Maman tout c’était bien pabbé, c’est quand j’ai commencé à parler que tout  a commencé à dérailler… 
Oh j’en ai busi des épibodes douloureux. Je me soubiens à l’école de ces vers  à apprendre, la maitrebbe à longtemps cru que je me payais ba tête et que je voulais faire rire mes petits copains : Quels bons ces berpents qui bifflent bur nos têtes et l’autre là : Un frais parfum bortait des touffes d’abphodèles, les bouffles de la nuit flottaient sur Calgala… La roubte que j’ai pris ce jour là, mes febbes b’en bouviennent… Febbé jubqu’au bang ! Ah ça, ils be bont bien moqué de moi, tous les petits balopards avec qui j'ai été en clabbe. Un enfant slebbé voilà ce que j'ai été.
Un pbychologue un poil plus avibé que les autres a abbez rapidement fait un lien avec le saiber, sien bur… Il a bouhaité très vite parler à ma mère: 
L’avez voub abbez emsrabbé cet enfant ? A-t-il reçu ba ration de saibers ? Comment avez vous été emsrabbée, vous ? L’avez vous été, au moins? Mais les conbultations avec lui n’ont eu aucune buite favorable. Ca revenait puis dibparaibbait et revenait malheureubement. Aubbi, j’ai tenté de burvivre avec mes boucis. Mais j’ai continué à m’enfoncer dans la bolitude et le débébpoir… Je m'ibolais, je m'ibolais de plus en plus. Je ma taibais burtout. Plus un mot plus un bon ne bortait de ma souche. Aucune sibe de perbonne. Jamais.
Et puis, un jour, celui du déménagement, oui, les autres enfants me lançaient des pierres, ça ne pouvait plus durer donc mes parents ont choisi de lever le camp, de vivre ailleurs, de tenter une autre ville, un autre climat, un autre environnement. Depuis ce jour là, à peine la porte de la voiture fermée et quelques kilomètres parcourus… Les trousles ont prebque entièrement dibparu. Toute la famille, évidemment et moi en particulier en fûmes sien boulagé…
Ils me reviennent sien un peu, parfois, quand j’en reparle ou que je reviens tourner dans le quartier de mon enfance et que je me  me replonge dans mes bouvenirs mais c’est abbez rare, heureubement…


25 septembre 2011

Des cheveux d'ange...

A "Mademoiselle est tendance".

J’avais remarqué son étal l’automne dernier. Et pas seulement parce que je la trouvais jolie.
Elle vendait des objets de décoration pour la maison, des trucs un peu anglais comme on en trouve pas mal par ici pour ces gens qui ont de jolies maisons très brittaniquement babiolées. Dans l'esprit de Béatrix et pas d'Harry: petits lapins blancs dans les verdoyants et pluvieux cottages, mais sans la sauce provençale, c'est à dire bleu lavande, cigales olives et tapenade, et pas comme le commerce de certains autres achetant tout en Chine...
Ce qu'elle proposait, elle, était plutôt dans le registre élégant et raffiné. Des tissus, aussi, de la même veine. Nappes et dessus de lits.
Le dimanche matin, dans le coin c’est marché. Comme dans pas mal d’endroits. Ici, c’est celui de l’Isle, le plus couru de la région surtout par tout ce qui ne parle pas français… Un peu à cause de l'endroit, pas mal à cause des antiquaires. Il faut bien les meubler, les jolis mas retapés. J’y vais tous les dimanches. Soit à pieds quand il fait beau et que je n’ai pas la flemme, soit en moto, en cas de grand soleil et de paresse, soit en bagnole s’il vente ou s'il pleut. Enfin, quelle que soit la météo, j’y vais. Un genre de messe. Je ne communie pas toujours mais j’y suis. Je ne prie pas tous les dimanches mais on m’y voit. Une fois là, je me débrouillais pour passer plusieurs fois devant son stand pas seulement pour ce qu’elle vendait. Aussi et surtout parce qu’elle était drôlement jolie.  C’est ainsi qu’on avait passé l’automne ensemble, elle et moi. A ne se voir qu’une fois par semaine, à ne pas nous parler mais comme ça on ne risquait pas l’excès de fréquentation, comme ça on avait peu de chance de se mésentendre. Je crois même que je ne lui ai jamais rien acheté. Heureusement qu’elle ne comptait pas sur moi pour vivre. Et puis, vers Novembre, je ne l’ai plus vue. Je l’ai cherchée deux ou trois dimanches mais sans la trouver. Je me suis dit qu’elle avait changé de marché, d’endroit, de métier, peut-être qu’elle s’était mise à la colle avec un gentil client et que le dimanche elle restait, maintenant, sagement (hum...) au chaud du lit avec son nouvel amoureux ?
Et puis, vers le début Décembre elle a réapparu. Elle portait sur la tête des turbans de toutes couleurs, très joliment arrangés au-dessus de ses manteaux d’hiver à l’élégance raffinée. Des turbans ou des chapeaux, ou des casquettes ou des bérets, cela dépendait des dimanches. Elle n’avait jamais la tête nue… Un matin de la mi janvier, je me suis approché plus près des son étalage. J’ai vu que ses sourcils aussi avaient foutu le camp. Et je me suis dit que rien n’aurait pu cacher ses cernes, les deux noirs, qu’elle avait sous ses yeux magnifiques et verts, qui creusaient son visage comme deux rigoles tristes. Elle avait l’air défait et las. Et même ce qu’elle vendait semblait plus terne. Alors, pendant de longs mois, je ne l’ai plus revue. Au moins tout l’été. Je l’ai cherchée dans toutes les ruelles, il arrive que les forains n’aient pas toujours le même emplacement. J’ai cherché son étal, si je voyais ses objets, si je la voyais, elle. Mais non, rien pendant des mois. Je n’ai pas voulu penser au pire mais en écrivant cela c’est bien le signe que j’y ai songé…
A chaque dimanche, je faisais deux ou trois tours de ville pour tenter de mettre les yeux sur ses anges de pierre, ses bouquets de lavande, ses nappes mais envolés les anges, fanées les lavandes, pliées les nappes… Je savais désormais pourquoi j’allais faire un tour de marché le dimanche: Revoir la si jolie vendeuse d’anges, celle aux deux beaux yeux verts et aux turbans de couleurs qui cachent une vilaine calvitie de chimio.
Hier, donc, je tournais dans les ruelles. Ce que j’ai aperçu en premier c’était ses angelots. Mon cœur a accéléré d’un coup. Elle me tournait le dos, elle avait le buste penché dans des cartons. Je me suis approché de son étal. Elle s’est relevée et s’est tournée, elle avait la tête nue. D’extraordinaires et merveilleux cheveux bruns très courts, presque ras encadraient son visage lumineux et agrandissaient davantage les deux perles vertes au milieu. Au-dessus d'elles, des sourcils superbes pour les surligner...
Je me suis arrêté net, un trait de larmes a manqué jaillir des petits miens. Je ne crois pas que, de ma vie, une coupe de cheveux ne m’ait procuré autant de bonheur. J’étais bouleversé.
Nous nous serions connus, j'aurais couru vers elle les bras tendus. Je l'aurais embrassée et serrée et nous aurions tourné longtemps en nous regardant les yeux dans les yeux, tout à nous, pleinement vivants, dans la douce tiédeur de ce dimanche matin d'automne ensoleillé.
Elle, elle aurait ri, mais ri… jusqu'aux éclats. D'un rire d'ange... 
D'ange heureux.


23 septembre 2011

De la hauteur...

                      J’en avais plus que marre de me vautrer dans les bas fonds. J’en avais soupé de ces éclaboussantes affaires qui nous salissaient tous. J'étais fatigué de la nausée qui me saisissait à chaque fois que j'ouvrais un journal ou entendait les nouvelles du jour...
J’ai donc décidé de m’élever, de monter d’un étage, d’avancer vers le jour. Le noir de la cave ne me convenant plus à l’âme, j’ai décidé de m’aérer la cervelle, de respirer un peu d'air pur. Quoi de mieux pour ça qu’une ballade en montagne ? Je me suis dit. Aussitôt dit, déjà fait. J’ai, dans le coffre de la voiture,  entassé une tente et quelques ustensiles qui vont avec: duvet, bonbonne de gaz, grille, papier hygiénique, cantine, chaussures de marche, imperméable, on ne sait jamais, allume feu, briquet, couteau suisse dix lames, gourde en métal et le livre en cours. La tente était une façon certaine de  ne pas dormir bien mais en sachant pourquoi. C’était, au mieux, inconfortable, engoncé, humide et au  pire, inconfortable, froid et trempé. Ca me changerait de ces insomnies sous couettes douillettes qui me laissaient hagard au petit jour sans comprendre pour quelles raisons elles s’amenaient après une ou deux heures d’un sommeil presque léger. Au moins, je saurais à quoi attribuer les cernes noires, invraisemblables canyons,  l’œil morne et le visage froissé que je croisais le matin quand j’avais le malheur de jeter l’autre dans la glace.
Alors, j’ai pris route. Je connaissais un coin facile d’accès avec un parking à peu près sûr pour la voiture. Une fois garée, on pouvait y monter tranquille, deux heures de marche et on était dans les hauteurs. Deux heures de marche et on avait commencé par laisser pas mal de choses derrière soi...au moins deux ou trois litres de sueur, c’était ça de gagné.  Après une pente un peu raide, après avoir laissé à main droite la cabane du Juge en espérant qu’il soit de paix, on débouchait sur une vallée parcourue d’un trait de lumière qui descendait d’un lac un peu plus haut. Elle était bordée d’une forêt de sapins. De l’eau, une vallée légère, de la mousse douce, du bois mort pour le feu comme s’il en brûlait, c’était là qu’il fallait se poser. J’ai monté la tente en veillant à ne pas m’en prendre à elle. Pudibonde, elle mettait un point d’honneur à ne pas se laisser faire, j’ai vrillé quelques sardines sur des pierres cachées, j’ai cassé net quelques détendeurs en caoutchouc, j’ai déchiré une fermeture éclair, mais je l’ai eue. Le ciel qui s’était assombri tout le long de la montée, le ciel que j’avais béni de ne pas me faire cuire a lâché ses premières gouttes que je n’avais pas encore rentré mon duvet à l’intérieur de l'abri. Bon, le feu chatoyant, ce serait pour un peu plus tard. J’ai fermé tant bien que mal les fermetures encore valides, je me suis mis à croupetons et  pelotonné à l’intérieur. Je me suis coincé un nerf du genre sciatique en enlevant mes chaussures de marche, en me contorsionnant pour ne pas mettre de la boue partout et je me suis allongé sur le dos. Le tapis de sol, à cet instant c’était moi.
C’est à ce moment  que les gouttes sont devenues plus grosses. D’un coup il s’était mis à faire sombre et le premier coup de tonnerre a retenti dans cette vallée perdue. Bêtement, j’ai hésité à allumer ma lampe frontale. Dans le noir alentour, les éclairs éclataient comme des missiles air sol, j’étais terré au cœur plein d’une guerre terrifiante. J’entendais, entre deux effroyables détonations, le grondement sourd du torrent pas loin qui devait commencer à gonfler ses muscles durcis par l’eau dévalant. Le vent s’était brusquement levé tentant d’arracher la tente à chaque bourrasque. Je vérifiais qu'il n'y a qu'un éclair du paradis à l'enfer.  Je n’avais, pour tenter de me sauver que deux solutions soit rester là à attendre que ça passe, soit rester là à attendre de mourir. J’ai choisi de rester là. J’avais peur mais je suis resté. Je ne me félicitais que d’une chose c’était d’être, ici, seul, ainsi, je n’avais que ma propre frousse à dompter. Sous le plein de  l’orage, il vaut mieux attendre et parfois espérer. J’avais voulu prendre de la hauteur et je me retrouvais enfoui au fin fond du noir de moi-même, affrontant mes peurs avec une paire d’allumettes...mouillées... Autant en profiter.
J’ai attrapé mon portable, j'avais devant moi quelques heures d'autonomie et j’ai commencé à écrire pour raconter ce que je vivais... Ma première phrase : S’occuper des affaires des autres évite sans doute de trop se pencher sur les siennes…

Si ça se trouve, alors que la pluie s'affale encore en rafales folles j’y suis encore...





22 septembre 2011

Rougne.

Une fois n'est pas coutume, c'est colère!

En colère pour le mépris manifesté l'autre soir, lors de la mauvaise pièce de théâtre jouée comme un cochon et la fable qu'on nous a servi pendant cette "interview".
Comme si c'était assez bon pour nous, comme si on allait "acheter" cette fausse contrition, ces regrets en toc, ces explications oiseuses.
Je les entends d'ici les cons seillers: "Si, si, Dom, c'est bon, ce silence là, après ta mimique, il faut le garder, prolonge-le même un peu, ça lui donne davantage de poids, ça fait plus vrai..."
Comme si on allait croire au fait qu'on peut installer en 7mn une relation de  séduction entre deux personnes et aller au bout du désir sans qu'aucun des deux ne se sente obligé, forcé, contraint... Qui va nous faire avaler ces mensonges misérables. Penser que nous soyons suffisamment stupides pour y croire... Quel mépris!

Cette expression: "Une relation non tarifée, non appropriée..." Qui, de nos jours, dans ce pays s'exprime de cette façon?
Et puis, qu'est ce que c'est que cette "faute morale" dans cette mauvaise mise en scène clintonnienne? Quelle faute peut-il y avoir puisque, soit disant, la jeune femme était consentante? Où peut-il y avoir faute entre deux adultes consentants? 
Reconnaitre une éventuelle faute, un comportement "inapproprié"(sic) c'est reconnaitre l'agression. Non?
Et puis ces simagrées... Pour qui nous prend-t-il?
Oui, oui, colère...

Lui dire: Ne parlez plus qu'à vos proches, arrangez vous entre vous, restez chez vous... Enfin, faites vous discrets et surtout... lâchez nous!



21 septembre 2011

Le monde, terriblement malmené allait à vau l'eau et nos pauvres petits coeurs y étaient salement cabossées par les ardeurs sauvages des évènements impétueux...

Je flânai dans cette ville qui, désormais, ne me disait plus grand-chose. J’y flânai comme quelqu’un qui y avait habité, autrefois et qui l’avait aimée, beaucoup, sans doute trop. Mais nous avions bien changé, elle et moi. Surtout moi. Le « vieil » comme on l’appelait, celui qui avait assisté au dernier envol de l’immense Nicolas, (De Staël, pas l’autre, le minuscule… seulement capable de misérables vols) de sombre, sale, chantant, calabrais et vivant était devenu propre, presque aseptisé, triste, comme moqueté et parfaitement antipathique.
Il n’y avait plus, dans les ruelles menant vers le port, les invectives et les chants des pêcheurs, on y entendait que les bruits des clochettes des magasins de vêtements et les murmures cosmopolites des touristes qui y déambulaient une glace à la main.
En vrai, c’est le port qui s’était le plus transformé. Il avait envahi ce qui était avant un marécage, là où mon grand-père venait baigner son chien après la criée aux fleurs. De pêche, il était devenu de plaisance et s’était agrandi démesurément au point qu’on pouvait se demander qui donc avait les moyens de se payer autant de bateaux. Surtout pour les menotter à quais et donc qu'ils ne voient jamais la mer.
Je flânai comme on peut flâner dans un endroit de vieille connaissance, au sens de canaille, en posant ses yeux pile où on sait qu’il faut les poser. Ce qui était devenu un enfer d’adultes était resté pour moi, un paradis d’enfance ? Ca faisait beaucoup de remue ménage.
Mais ce matin là, il y avait une tension bizarre dans les rues, les gens ne souriaient pas, s’excusaient à peine quand ils se heurtaient, regardaient leurs chaussures en marchant et ne grignotaient rien…
Les deux premiers que j’ai surpris à s’engueuler c’est quand ils sont passés à ma hauteur. J’ai attrapé au vol :

___ Crotte, il faudrait, Mère, que vous vous disiez que je ne suis ni votre chauffeur, ni votre majordome. Savez vous que j’ai ma vie et ce week-end, j’avais prévu de recevoir mon petit-fils, vous savez celui dont vous avez toujours refusé de faire la connaissance sous des prétextes déplacés. Oui sa mère est une personne de couleur et alors…

___ Si tu vois comme un prétexte un enfant hors mariage c’est que tu as perdu tout sens moral, mon pauvre Jean Robert. C’est une tâche qui éclabousse notre famille et nous gâche la vie. 

___ Une tâche ?  Un enfant de six ans ? 

___Je persiste : une tâche et j’ajouterai bien sombre en plus. Si tu vois ce que je veux dire… Es-tu bien, et veille bien à la réponse que tu vas me donner, disponible ce week-end?
___ Mère vous êtes odieuse, je vous plante ici même. Et il avait tourné le dos en accélérant le pas, laissant la râleuse seule avec sa colère. C'est dire si ça allait mal puisque c'est en public qu'ils réglaient leurs comptes.... 
L’odieuse dans l’air de la place :
___ Hé bien tu n’auras rien, Jean Robert, m’entends-tu ? Rien ! De rien !
Quelques minutes après, un couple de jeunes gens flanqué d’une fillette :

___ Demande à ta mère, puisqu’elle sait tout, elle !

___ Hier, Rose, tu voulais savoir ce que veut dire exagérer, hé bien en voilà un exemple, ma fille, ton père exagère…toujours.

___ Ce que vous pouvez être chiants, tous les deux à vous disputer sans arrêt.

La mère en distribuant une gifle généreuse:

___ Dis, mais tu entends comment tu nous parles ?

Le père, en la prenant dans ses bras :
 ___ Tu avais besoin de la gifler pour ça ? Frapper une enfant, c'est moche.
___ Défends la bien, toi, Gros malin, tu ne viendras pas te plaindre quand elle te roulera dans la farine!
___ Tu ne vois pas que nous sommes déjà plongés dedans, jusqu’au cou?
Ce matin, les parents se criaient dessus devant leurs gosses. A deux pas, c’est à une terrasse de café que ça se passait : Le serveur s’enguirlandait en charabiant avec deux clients italiens qui surjouaient le drame. Ca s’est corsé quand des touristes russes s’y sont mis. Un équipage de marins américains fortement embierrés a voulu se joindre à la fête et commençaient à vouloir faire leur propre police avec leurs gros bras musclés et cela donnait un joli bordel. Pendant que certains, les plus malins, avaient plongé sous les tables et raclaient les pièces tombées par terre, la plupart gueulait dans toutes les langues et personne ne s’entendait plus rien dire, les verres prenaient leur envol. Les pleins aussi. Et les premiers coups se sont mis à pleuvoir. A cet instant, de derrière tout ce beau linge en furie, sautant par dessus les tables renversées, un jeune gars a jailli. Il était poursuivi par deux flics essoufflés et rouges qui criaient:
___ Arrêtez-le, arrêtez-le il a piqué des porte feuilles...
La foule comme électrisée par l'odeur de l’hallali, par celle du sang s'est mise à hurler mais ce n'était pas ce qu'ils attendaient:
___Y en a d'autres ! Y en a d'autres ! Pourquoi lui, pourquoi qu' on court pas après les banquiers!
___ Le jour où on va s’y mettre, ils ne l’auront pas volé ! On les brulera sur leurs guichets !
La foule :
___ Et on les fouettera, aussi.
Ça a bien fait rire. Jaune... Dans la rue, les rideaux de fer des boutiques se sont mis à descendre et, à toutes volées, les cloches de la cathédrale ont sonné. C'est après que le ciel a commencé à s'assombrir... Je flânai dans cette ville qui, désormais, ne me disait plus grand-chose. J’y flânai comme quelqu’un qui y avait habité, autrefois et qui l’avait aimée, beaucoup, seulement voilà, ce matin, l’ambiance n’y était plus. La crise passait par là et le monde se tendait comme un élastique à l’envers…
Un jour, c’était maintenant certain, c'est au plein milieu de notre gros nez qu’on se le prendra, l’élastoque. Alors, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer... Dire que nous n’avions encore rien vu. Ce qui nous attendait était encore pire que ce que nous redoutions. Si nous avions été un tant soit peu raisonnables, si nous avions eu un peu de jugeotte, nous aurions tous dû mettre les bouts dare-dare vers les pays où il fait toujours beau où l’on passe sa vie à jouer sans songer à l’école en toute liberté pour rêver. Si nous avions eu un peu de bon sens nous nous serions entraînés, depuis longtemps à bouffer du manioc cru, pêcher du poisson avec une branche, et allumer du feu avec deux cailloux. C’est ce qui nous attendait, il ne fallait pas qu’on se leurre. La plupart allait prendre cher. Ceux qui n’avaient déjà rien auraient encore moins et ceux qui avaient juste un peu perdraient tout. Voilà comment ça allait se passer. On irait tous se faire voir comme chez les grecs. Du sang, de la sueur , des larmes et de l’eczéma en prime. Morflage à tous les étages. Sauf au rez de chaussée, évidemment. Comme d’habitude.
Voilà sans doute ce qui expliquait cette tension palpable dans toutes les rues de toutes les villes. Il parait que dans certains endroits, on commençait, déjà, à mettre en cabane tous ceux qui étaient pris avec un briquet dans la poche…
Pendant ce temps là, d’autres, sur le pont de leurs yachts continuaient d’allumer des cigares gros comme des cuisses avec leurs Dupont© en argent massif…





18 septembre 2011

Nos croisières immobiles.

Quand nous auront fait de vieux os, qu'ils  seront perclus et translucides, 
quand ils seront cassants comme des nuits de 9 novembre, 
quand notre triste cœur ne battra plus qu’à l’étouffée et que notre peau ne nous protègera plus ni du froid, ni du vent... Mince et chétive pelisse essoufflée…
Quand nos mains trembleront dans le vide, que nos yeux n’y verront que du noir, 
quand nos oreilles ne nous joueront plus aucune musique et que le monde ne nous apparaitra que dangereux à la chaleur d’un feu de pierre ou d’un jet de paille…
Quand nos peurs nous auront glacé les sangs et vidé de nos élans, 
quand les poules auront désormais nos dents et que les soupes du soir nous  seront versées à heures fixes, à petits bols, à petites gorgées, à petits slurps… Une serviette immaculée sur la poitrine…
Quand nos désirs ne donneront plus d’ordre, que nous resterons couchés la plupart des jours, quand nos pantoufles nous porteront, que nos mémoires se raidiront, qu'elles auront vidé les citernes où les souvenirs s’abreuvent... Que nos routes seront droites comme des doigts tendus, figés vers maintenant, là, de suite…
Quand nous ne conjuguerons plus que des imparfaits, que le monde ne nous sera plus guère souriant, quand vivre sera une croix et dormir un refuge, quand nous ne pourrons plus rire à cause de nos canines dévissées, étrangères, méconnues, envolées au bal des transfuges...
Quand nous ne pourrons plus hurler, gueuler dans le vent : « Sur le pont, tout le monde, nous allons virer de bord ! »
Alors, nous irons croiser avec nostalgie, dans des mers étales, aux houles longues,  sans ris dans les grand voiles, aux souquages mous, aux amarrages douteux, bref un temps où nous  n'aurons pas à lutter pour faire route sous aucun grain, où l'idée première sera d'avancer,  encore, un peu…
Alors, nous rêverons de croisières immobiles sur des lagons de faïence et, la nuit bienveillante, nous y bercera. 
Sur un pont de brume désormais vide, épousseté par le vent, nous réécrirons nos vies sur des pages presque blanches en nous épargnant, peut-être, de revivre tous les chagrins de nos guerres civiles, de celles qu’on se déclare au petit matin, les pieds dans la sciure, la goutte au nez, les cous aux creux des oreillers, en quelque sorte entre soie et…  soi.
Qu'ainsi, à l'instant de larguer les amarres vers nulle part nous soyons enfin sereins, si possible...



17 septembre 2011

Leurs deux prénoms...

Dans la rubrique: je me la raconte, "Leurs deux prénoms..." est une nouvelle que j'ai commise exprès et qui est parue sur un magazine web:
Swans... domicilié aux States, à BOONVILLE California USA.
Si ça n'est pas une certaine de classe... qu'est-ce-que-c'est? Oui, oui, c'est un gargarisme...

Swans Commentary 
P.O. Box 267 
Boonville, California, 95415-0267 
USA 
ISSN: 1554-4915

Le début de "Leurs deux prénoms..." ça dit:


"Ils étaient nés la même année.
Leurs deux prénoms disaient leur âge.
Ils ne se servaient que d’eux. Tout au long de leur longue vie commune, ils ne s’étaient jamais affublés de surnoms doucereusement stupides. L’infinie tendresse qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre n’était jamais passée par ces artifices. Ils avaient même un temps songé à se vouvoyer et puis, ils avaient renoncé. Ce n’était pas de leur classe. Ils se disaient à la colle… et ils aimaient à le penser depuis bien bien longtemps. Eux deux, seuls..."



16 septembre 2011

Le peu aux foudres...

C’est une lettre toute bête dans une enveloppe banale (114x162) qui a mis le feu aux poudres...
Cela faisait bien six mois qu'il n’avait plus rien lu d’elle. De son avocat, oui, il avait eu de quoi lire, et pas du meilleur, mais de sa main à elle, rien. Pas même un coup de fil… (Une expression de vieux, ceci dit. Il y a, en effet, belle lurette qu'on ne donne plus de coup avec aucun fil...). Des bruits courraient en ville sur l’éventuelle possibilité d’une réconciliation, mais il se gardait bien de leur accorder le moindre crédit. Tant qu'il n’aurait pas vu, de ses yeux vu, une camionnette de déménagement entrer dans l’allée  et deux gaillards  en sortir pour lui demander où  remettre l’armoire normande de la grand-mère qui, lors de son départ, avait laissé une trace béante et jaunie sur le mur de la chambre, il n'était pas question pour lui de tirer un seul plan sur aucune comète. Pas d’armoire, pas de reprise de vie commune. Six mois avaient suffi pour qu'il se glisse dans la peau d’un Saint Thomas soupçonneux. Ce n’est pas qu'il ne voulait plus y croire, mais c'est qu'il ne pouvait pas y croire. D’elle, il avait fini par s’attendre à tout sauf à ça. Hors de question qu'il se laisse gagner par un enthousiasme de premier communiant dont il savait qu’il lui poignarderait le dos à la première occasion. Et il en avait un peu soupé des coups de couteaux. Cette lettre lui proposait un rendez vous pour la semaine suivante dans un endroit où ils avaient, avant tout ça, l’habitude d’aller. Un hammam sauna restaurant, "L'ENGRAMME"©, qui s’était monté dans la zone commerciale, un repère de bobos stressés en mal de papouilles. Dans le restaurant ultra tendance, des fans de Tom Cruise, assis sur des coussins remplis de noyaux de cerises, mangeaient, enfin, avalaient devrait-on dire, pour des sommes astronomiques, des galettes de soja, de riz soufflé à l'air du Népal, des légumes cuits à la vapeur sèche (?), des poissons affamés bios, des lasagnes de carottes crues au gingembre, des boulettes de Dim Sum, du riz farci à la crevette pêchée au pied, enfin ce genre de truc.  Un des musts, la chose pour laquelle on se battait pour réserver une table dans cette infâme gargotte était la carte des eaux minérales, il y en avait quatre cent cinquante trois au dernier pointage... On y buvait aussi des jus de kiwis, d'ananas, de figues de barbarie, de kumquat et même de navets mais au paprika, apportés par des serveuses aux sourires évadés, vêtues des  toges orange des moines bouddhistes. Le coup de génie c'était le pèse personne géant en guise de palier (il affichait votre poids en lettres d'or clignotantes dans la salle dès que vous  posiez le pied dessus) et des balances de cuisine sur toutes les tables (ils avaient même édité un fascicule avec la tare des assiettes...) le tout était enveloppé dans une musique tibétaine, répétitive et lancinante qui coupait l'appétit aussi sûrement que les photographies d'obèses, d'une artiste conceptuelle et anorexique, exposées sur tous les murs. Et, bien entendu, les verres étaient gradués. Heureusement qu'il restait le hammam, les saunas et les massages.   Dans la proposition de rencontre, il s'est refusé, malgré lui, à  voir l’augure, pourtant claire, d’une relation qui, comme la planète, se réchaufferait. Comme c’est aussi dans cet endroit qu’elle lui avait annoncé qu’elle allait le quitter, il n’a pu y voir que l’expression toujours présente de son goût prononcé pour la douche, de préférence  écossaise. Elle, qui, lorsqu'ils fricotaient encore ensemble, avait  passé la majeure partie de son temps à souffler le chaud et froid sur sa vie, ainsi, continuait. Qu’elle n’ait guère changé malgré ces six longs mois le rassurait, il était en terrain connu. Malgré tout, dans un réflexe un peu stupide, il a jeûné une bonne partie de la semaine précédent le rendez vous, son départ ayant, durant l’hiver, laissé quelques traces et pas seulement sur son front. En vrai, depuis cette lettre, il n'a plus été capable d’avaler rien d'autre que sa salive. Ah, il s'est, durant ces quelques jours, acheté un rasoir six lames, un jean vieilli et une chemise un peu ample et dans le coup histoire de se refaire une allure ainsi qu'une paire de chaussures, avec lesquelles il dormait la nuit, pour que le tout n’ait pas l’air trop neuf. Ainsi, pensait-il mettre toutes les chances de son côté et n’être responsable de pas grand-chose au cas très probable où ça partirait en digue digue. Bref, il voulait ne rien avoir à se reprocher. Ce fut une catastrophe.  Elle est arrivée une bonne heure en retard, il en a donc passé deux (il était là une heure avant) sur le parking à griller cigarettes sur cigarettes, à mâcher chewing-gum sur chewing-gum. Bien sûr,  il a fait mine de partir trois fois. Après chaque tentative, il a regaré sa bagnole, la mort dans l’âme. Le boisseau de puces qu'il a eu dans l’oreille a doublé de volume quand il a vu qu’elle ne conduisait pas son engin, mais que le pilote avait une sale tête de bellâtre italien et portait sur son aquilin nez des lunettes noires de Présidant de République des années frics... en pleine nuit... Les choses se compliquaient encore davantage, ce salopard était bel homme. Il aurait préféré qu'il soit moche, il se serait senti plus fort. On a tous ses faiblesses. Sa denture d'un blanc étincelant illuminait le pare-brise et était sans doute la raison des lunettes de crétin.
Elle en est sortie en riant d’un rire qui a d’un coup envahi tout le parking. L'autre venait de lui en raconter une bien bonne certainement entendue sur Rires et Chansons. Fendant l'air tiède, elle s’est approchée de sa voiture son sac à main négligemment jeté sur l'épaule. Elle a ouvert la portière avant gauche et s’est laissée tomber sur le siège du passager (c’était le cas de le dire) et elle l’a regardé.
Puis, dans un souffle, elle a laissé tomber :
___Des bruits courent en ville, tu es au courant ? Il a menti en bredouillant:
___Non... Et qu’est ce qu’ils disent, ces bruits ?
___ Que je pourrais avoir l'idée de revenir. Qu’en penses-tu ?
Un quart d’heure après, il a fini par lui dire le plus sèchement possible mais avec un brin de tendresse dans la voix  (ce qui n’est pas si facile, essayez, si vous y arrivez, je vous paie un verre de jus de céleri) :
___Soit tu m’embrasses, soit tu t’en vas. Cela lui semblait concis et facile à comprendre. Que croyez vous qu’elle fît ? Elle s’est levée doucement, a refermé d’un geste son manteau qui, en s'ouvrant, avait  laissé ses jambes nues, elle s’est approchée de lui presque au ralenti et a déposé un  baiser chaud et pesant sur le coin de ses lèvres. Puis elle est sortie, lui a lancé un dernier regard, glacé, elle a tourné le dos et a disparu.  Après ça, il fut incapable de dire ce qui est arrivé. D’elle, il n'a plus vu que sa main droite qui s’agitait dans l’air, par la fenêtre ouverte de sa voiture. Somme toute, il n'était pas mécontent de lui, il n'avait pas eu tort de se méfier… Il se souvient seulement de s'être gavé, avec un ou deux jus de fenouil, d'une grosse plâtrée de carottes... cuites et râpées...  C'est un peu plus tard dans la nuit, dans la brasserie "AUX SAIGNEURS"©, devant un  tartare frites, qu'il a commandé la première bouteille de Bordeaux.  Ils y étaient, la poudre, enfin  embrasée, allait, maintenant parler... Et c’est  le beau mec qui serait la cible d'échauffement, c'est sur lui qu’allaient tomber les premières salves. C'est lui qui commencerait à payer. Il allait s'y atteler, avec rigueur et détermination tout  en sachant que dans une guerre il n'y a jamais de vainqueur, il était prêt à perdre à la seule condition de faire mal. Il en avait simplement marre d'être dans le camp de ceux qui reçoivent, il souhaitait juste, pour une fois, tenir le bon bout du manche, pour voir ce que ça faisait. Bien sûr qu'il s'en voulait un peu de cette régression mais il en avait tellement besoin.  Pour accomplir sa  misérable vengeance, il allait, d’abord, s’en prendre à sa voiture. Il y avait gros à parier que ce crétin aux dents blanches navigue dans un quatre quatre flambant neuf, avec un pare-troupeau de buffle à l'avant et un jerrican vide (en cas de conflit mondial?) à l'arrière, qu’il y attache une importance démesurée, qu’elle fasse partie de sa panoplie, qu'elle en soit un de ses attirails. Il y aurait, ainsi, en plus, une caution écologique à cette lutte, désormais sans merci. D’une pierre deux coups.
Pour avoir son adresse ce fut un jeu d’enfant. Il habitait dans un de ces quartiers du centre ville, remis à neuf après en avoir expulsé les vieux habitants, les avoir remisés en banlieue profonde où ils croupissaient maintenant esseulés, abandonnés. Un des ces endroits où, tenu en laisse par un Jack Russel Terrier, il est si tellement chic de faire le marché so pittoresque du dimanche matin, juste après le brunch pris en terrasse, avec ses, so cute, compagnons de classe, à reparler de la soirée "Bouches et oreilles" de la veille. Le tout, surtout, sans que sa peau n’ait reçu le moindre coup de lame, les cheveux mal coiffés, vaguement fagoté d’un jogging presque blanc, informe, mais de marque, comme en portent les chanteurs à la mode et les animateurs de télé, paparazzés à longueur de colonnes dans les torchons qu’on peut lire sur les tables basses des coiffeurs, de ceux  qu'on y interview avec la déférence et le respect, autrefois réservés aux Nobel de médecine. 
On y lisait, ébahi que la pluie ça mouille et que la guerre c’est sale avec ce ton déglingué de ceux qui découvrent que le feu ça brûle…
Le monde marchait sur la tête mais le moins qu'on puisse dire c'est que tous n'avaient pas le même chausseur et certains en avaient oublié leurs cervelles... 
Lui qui avait une sainte horreur des piqûres, il n’y est pas allé de main morte. Avec son poinçon, il a crevé un pneu de chaque  quatre quatre de la rue. Excepté pour un des engins, qui arborait un autocollant "Votez Bayrou" sur la vitre. Il lui en a crevé deux, ça lui apprendra, au François, à vouloir nous faire avaler qu'il veut épargner ET la chèvre ET le loup ET contenter Mr Seguin...  
Ce fut un tel bonheur d’entendre dans la rue déserte le chuintement de l’air à qui il rendait sa liberté qu’il manqua d’en hurler de plaisir. Dégâts collatéraux et punition collective s’est-il dit pour se dédouaner. On ne fait pas d'aveugle sans casser des yeux... Avec un peu de chance on mettrait ça sur le compte d’une tribu d’écolos acharnés. Il pensa avec émotion à celui qui lui devrait une fière chandelle, le vendeur de pneus du quartier. Il pourrait prendre cinq minutes pour  le bénir, celui-là. Surtout qu’il avait bien l’intention d’y revenir un soir ou deux, histoire de bien enfoncer le clou. Une bonne chose de faite. Ah, ils allaient les ravaler leur morgue et leur mépris, ces libéraux égocentriques, devant leurs engins posés sur la rue comme des morses alanguis, échoués sur des banquises boueuses… Ah, ils allaient devoir le rabattre un peu, leur caquet, ces publicitaires, golden-boys de mes genoux, leurs crics à la main comme des pintades devant un rubik cube… Ah, ils allaient devoir les salir un peu, leurs costumes Miyaké à deux mille euros, ces cadres imbéciles qui garaient, pressés, les  pares buffles de leurs engins sur les trottoirs parce qu'ils travaillent, eux, ils ne glandent pas, eux.
Il serait là, le lendemain à les regarder faire, à les voir se débrouiller pour changer ce pneu vidé d'air, comme eux, de leur prestance.  Peut-être même qu’il leur donnerait un coup de main, juste pour les faire monter en température et en rajouter contre ces cons qui ne respectent rien, pas même leurs quatre quatre adorés…
___ "Mais non, je t’assure, j’ai le temps, je suis chômeur…"
___ "Merde, merde, j’ai un déjd'aff hyper important à "L’ENGRAMME"© et ce n’est pas la porte à côté, tu peux me croire…"
Dans le lot, il y aurait bien le salopiot qui fait si bien rire son  ex. Il essayerait de le repérer puis il reviendrait s’occuper de sa bagnole, d’elle seule et cette fois il lui ferait tous les pneus, les cinq. Oui, la roue de secours avec. Pas de quartier, avait-il décidé. Elle, son tour viendrait un peu plus tard, mais elle ne perdait rien pour attendre...
Il est revenu sur zone, le lendemain. Ils les a vus, en jubilant changer leurs pneus en râlant, pestant, soufflant, grognant, se salissant. Puis, le soir même, avec une bouteille pleine d’un mélange d’huile de vidange et de peinture glycéro rouge avec lequel il a copieusement arrosé la  carrosserie de son rival. Avec un peu de chance, ça aurait séché dans la nuit, il pourrait tenter de l'exposer à la FIAC comme une oeuvre d'art... Il lui fallait vite finir le travail commencé avant que les autres ne s’organisent en milice pour surveiller leurs engins. C’était leur genre. Morgue et suffisance, ne supportant pas qu’on s’arque boute (archaïsme rétrograde) sur les avantages acquis (de haute lutte) mais dès qu’on touchait à leurs biens, ils devaient être capables de s’organiser pour les défendre becs et ongles. Sans voir plus loin, Versaillais jusqu’aux bouts de leurs  nez.
Le coup des voitures, c’était juste pour s’échauffer. Elle l’a bien compris. Quand elle l’a appelé, au deuxième soir de la campagne, elle lui a juste dit :
" Dis, est ce que vraiment, tu te crois malin ? " Puis elle a raccroché. Mince, une fois de plus elle avait pris un coup d’avance, une fois de plus elle avait repris la main. Et de quelle manière! Sans hurlement, sans menace, sans violence. Il ne s’en sortirait pas, avec quelqu’un comme elle, quelqu’un comme lui avait perdu bien avant que la bataille ne s’engage pour de bon. Il lui fallait accélérer la charge, monter au créneau, forcer la chance. Il passerait sans tarder à la phase suivante. Le lendemain, il irait l’attendre à la sortie de son boulot et lancerait la machine, il ne pouvait plus reculer, il était allé trop loin pour faire marche arrière, pour battre en retraite. Il a mal dormi, c'est-à-dire qu’il n’a pas fermé l’œil. Il a tourné, viré, il s’est relevé plusieurs fois, il a fini une bouteille entière. De blanc. Le matin dans un brouillard nauséeux, il a avalé un Alka seltzer, deux Spasfon, trois bouteilles de Vichy Célestins. Il a passé quelques coups de téléphone pour s’assurer de la bonne marche de son affaire et de certains appuis précieux. Il a pris une douche, aussi. Vers onze heures, c’est un homme froissé, mais déterminé et serein qui est entré « Aux Saigneurs ». Il s’est engouffré une andouillette (cinq A) pommes sarladaises, une demi de côte du Rhône et un café sucré. Il lui restait trois heures à tuer avant de tout lancer, elle finissait vers cinq heures. Il n’était qu’à quelques stations de métro de son travail, mais il a choisi de faire le trajet à pied. Il avait mis son  ancien jean, une vieille paire de chaussures et un polo sans manche, le printemps redevenu clément le permettait.
Vers 16h45 il s’est assis sur le banc, en face de l’immeuble d’où elle sortirait. Il s’en est fumé une, calmement. Quand il l’a vue débouler, pressée, il s’est levé et s’est avancé vers elle.  Et d’un coup, ce fut comme un lavabo qui se vidait. Plus la moindre once de haine et de ressentiment… Plus aucune trace d’agressivité envers elle… Tout l’avait quitté. Tout s'était échappé. Elle s’est approchée de lui, le visage déformé par l’inquiétude, comme un boxeur à l'appel de la cloche, du genre : « Que va-t-il donc encore inventer ? Que prépare-t-il ? » Il a seulement pu dire :
" Ecoute, je ne sais pas ce qui se passe, j’étais venu pour te faire une belle saloperie mais voilà, c’est parti. Plus rien. Je n’ai plus envie de rien de mal vis-à-vis de toi. Là, de suite, ça vient de s’en aller. Je ne comprends pas bien, je ne comprends pas tout,  mais je te demande de me croire. Heu, je peux t’embrasser ?" Le tout enveloppé dans un grand sourire à ruban rouge. Là, il l’a cueillie. A froid.  Elle n’y a pas cru, de suite. Elle a regardé autour d’eux, au-dessus, devant, derrière pour essayer de deviner d’où  allait tomber la première roquette, mais rien. Après un long moment,  elle a fini par se détendre. Ils se sont parlé de tout et de rien, ils se sont donné des nouvelles, ils se sont même raconté pour qui ils allaient voter, comme ils n'étaient pas tout à fait d'accord, ça a duré un peu, puis ils se sont embrassés à la frontière du chaleureux et se sont dits quelques banalités avant un: "A bientôt ?" et même un: "Veille sur toi..." puis un: "Essayons, maintenant, d'être heureux..." presque tendre...
Puis ils sont repartis en un joli virage, apaisés, vivre le reste de leur âge, des rictus de Gandhi scotchés aux visages... Voilà qu'elle lui inspirait des alexandrins, maintenant! 

Le feu aux poudres avait accouché d’un pétard mouillé. Tout lui.
Il a repensé en souriant jaune à ce proverbe indien: "Ce n'est pas de manger du bison cru qui fait d'un homme un guerrier..."


12 septembre 2011

Un automne à Paris...


En vrai, ça débute bien avant la date officielle. 
Ça démarre au coeur de l'été, sans que personne s’en aperçoive vraiment ou alors, c'est le ciel, seul qui s’en saisit. C’est même, sans doute, lui qui en est à l’origine, qui le porte en lui, comme un virus. Au tout début, c’est à dire pendant les chaudes journées d’Aout seules quelques unes en sont victimes, elles finissent, en général, bêtement dans les caniveaux balayées par le vent chaud de ces  interminables soirées. Quand on en aperçoit une, par hasard, on ne la plaint pas, on l’incrimine presque : Ah tu as voulu faire ta maline, toi, hé bien regarde ce qui t’arrive… Que n’est tu restée comme tes sœur si vertes… Te voilà perdue, abandonnée, piétinée, balayée désormais. Nous t’oublierons. Et puis, on l’oublie. En fait, à cet instant on ne veut appréhender aucun signe, aucune trace de LUI. On ne veut pas en entendre parler. On n’en est pas là, on n’a ni le coeur, ni la tête à ça. On souhaite, simplement, continuer à jouir des douceurs vécues.
Quelques jours se passent encore, quelques jours qui, du reste, diminuent, enfin ce n’est pas exactement ce qu’on dit. On dit que le soir vient de plus en plus tôt, on remarque qu’on quitte les terrasses des cafés plus avant dans la soirée. Là où le temps semblait  s’éterniser, il arrive maintenant qu’il accélère pour vider un verre, finir une assiette. On se lève, poussé par une fraîcheur nouvelle descendue sur la terre… 




               Le long des quais, les amoureux tricoteurs de phalanges, mélangeurs d'avant-bras, serreurs de tailles, fabricants de promesses, incendiaires de regards, pressent le pas. Là où ils restaient des heures à s'éblouir au passage des bateaux mouches, ils s'arrêtent puis repartent... Vite, au chaud...
Pendant ces journées, on commence à les pousser du pied dans la rue. Elles deviennent des tas.  En levant les yeux, on se rend compte que cette fois on y est. Pour de bon. Les arbres sont en train de changer de couleurs, ils passent, tous, du vert au brun. Et surtout pour ceux qui sont le plus proches des bouches de métro ou des sources de chaleur comme les immenses aérateurs de Beaubourg, là, les marronniers changent de saison avant les autres, en précurseurs…
Alors ces jours là, si l’on peut, il faut aller passer de longues heures dans les squares, les jardins cachés, les endroits magiques de cette ville parce que c’est là que le spectacle va se concentrer. Trouver les jardins du Palais Royal, la Place des Vosges, Les Tuileries… Au dessus de ces rectangles policés, le ciel va, lui aussi, changer de nature. Les dépressions vont se succéder en chaînes, les unes derrière les autres avec leurs nuages annonciateurs puis les quelques jours de pluie et, enfin, les merveilleux ciels de traine, prophètes de fin de perturbation… Ces longues avenues de nuages, sagement rangés comme des oreillers blancs sur la table d'un tapissier… Et puis, un soir, au beau milieu d'un boulevard, tu verras ta première écharpe. Tu remarqueras que les femmes ont sorti leurs manteaux, que les jupes ont rallongé, que les jambes se sont couvertes... Si tu es en veine tu croiseras aussi ton premier chapeau...
Maintenant, sous les effets des pluies d’Octobre et des lumières devenues horizontales, tranchantes, cinglantes, les rues vont se faire luisantes, les gris des bâtiments vont se mettre à briller, les toits à étinceler et des pluies de perles fines vont tomber des toits sur le sombre des avenues… Une mauvaise haleine va sortir des bouches de métro, les cerveaux vont s'enrhumer.  Dessous, dans les longs couloirs, ça va sentir l'imper gaugé, la gabardine humide, le cheveu d'homme mouillé, le cuir trempé, le vaporub et l'anti tussif...
La ville va changer de ministère. Nous serons en Automne!
Maintenant, les arbres auront presque tous ces teintes fantastiques qui vont du caramel au brun profond en passant parfois par le rouge des érables si les nuits sont assez fraîches. Le long des quais où le fleuve noir gigote ce seront des symphonies d’ocre et les balades deviennent des enchantements… Les  immenses parcs comme Bagatelle, les bois comme celui de Vincennes ou de Meudon n’en resteront pas là, ils voudront eux aussi être de la fête et c’est à celui qui proposera les plus incroyables accords… 
Alors, il faudra monter sur les hauteurs, pour s’enivrer du spectacle vu d’en haut. Le Sacré Cœur, la Sainte Geneviève, les Tours de Notre Dame, la colline de Chaillot, le Mont Valérien. Toute la ville sera brassée, repeinte dans les tons de bruns rouges. Alors, au coin de quelques rues, on se noircira les doigts de marrons grillés dans de larges gamelles, on s'y réchauffera les paumes, on rentrera dans les bars en tapant des pieds , en se frottant les mains... Il arrivera, même certaines fois que des nuages plus audacieux, toréadors de Bastille, emportés par la fougue qui les emmène, les entraine... tentent de passer des véronique d'école au génie de la place...
Puis les pluies se feront plus fréquentes, les cieux gris plus épais, plus longtemps, il se mettra à faire froid plus souvent, les feuilles se mettront à, toutes, dégringoler…
Bientôt, on les chantera, bientôt, elles seront, à la pelle, ramassées.
Un fringant hiver, bientôt, percera.


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